Soeur Monique Desbourbes

Peux-tu nous expliquer ton enfance et ta vocation religieuse…?

Je suis originaire de St Didier en Brionnais en Saône et Loire. Nous sommes quatre filles dont une née après la guerre car mon père a été fait prisonnier et il est resté cinq ans en Allemagne. Nous vivions avec notre grand-mère, veuve de la guerre de 14.
Étant l’aînée, je secondai ma mère, nous habitions une ferme où nous n’avions que du bétail. J’allais à l’école du village et déjà le catéchisme était fait par une maman soutenue par un Père jésuite qui nous faisait prier devant le Saint-Sacrement pour tous les chefs d’État d’alors : Hitler, Mussolini, Pétain… Cela m’a beaucoup marquée !
En pension je ne revenais qu’aux vacances. Ma famille était pratiquante et priante. On disait la prière du soir et on récitait le chapelet.
J’avais une grande tante religieuse et un grand oncle prêtre. Dès l’âge de 6,7 ans j’ai désiré être religieuse et aller en Afrique, faire connaître Jésus aux enfants …
À l’adolescence, cette envie est revenue, mais j’ai été institutrice trois ans dans mon diocèse avant d’être nommée dans l’école des Petites Sœurs de la Sainte Enfance durant un an. Là, j’ai rencontré une des religieuses qui était allée préparer l’ouverture de la première mission de la Congrégation au Burkina-Faso ( la Haute Volta d’alors. )
Le discernement a été rapide, j’avais 21 ans.
C’est ainsi que je suis entrée au Noviciat, je souhaitais partir en Afrique !

Les Petites Sœurs de la Sainte Enfance ?

Les Petites Sœurs de Sainte Enfance sont fondées en 1854 à La VALLA en Gier par le curé de la paroisse qui appela sept jeunes filles pour aller vivre et aider dans les villages (prier, catéchèse, soigner les malades). Elles étaient logées sur place et se retrouvaient le week-end à La VALLA pour entretenir leur vie spirituelle entre elles et avec le curé.
Après des déménagements successifs, la Maison Mère s’est installée à Lyon.
Aujourd’hui nous sommes un peu plus de 100 religieuses dont 50 sont burkinabés et vivent en Afrique. En France, une vingtaine sont à Lyon, les autres en petites communautés ou maison de retraite dans la Loire, le Rhône et l’Isère.
On a accueilli, durant la guerre, des adultes et des enfants juifs. La Congrégation a reçu la « médaille des JUSTES ».
J’ai donc fait six mois de postulat, puis deux ans de noviciat, les premiers vœux en 1958, et les vœux perpétuels en 1963. Je suis partie en 1958 en Haute-Volta dans une communauté de trois religieuses pour y être enseignante. J’étais dans une école de filles (dans cette ethnie, elles étaient promises en mariage dès la naissance !)
La langue était le « Dioula » que j’ai apprise. C’est un des pays les plus pauvres d’Afrique, dont la moitié est dans le Sahel.
Au bout de 13 ans de présence, je suis partie au Nord Cameroun, insérée dans une communauté mixte ; laïcs, prêtre et religieuses dans un projet d’évangélisation et de développement, en résumé, améliorer tout ce qui fait la vie des gens et des femmes en particulier !
J’ai dû apprendre la langue parlée par 70 000 personnes : le « Mofu ». Puis je suis retournée au Burkina Faso pour l’animation dans les villages, autour d’un grand périmètre de culture de canne à sucre.
J’étais heureuse partout, malgré les difficultés. Par exemple être la seule française au milieu de sœurs burkinabés : culture différente ! Etre confrontée à la précarité de la vie des gens, au décès des enfants en bas âge… Bien sûr j’ai eu le paludisme !
Voilà, je souhaitais revenir en France, et je suis rentrée en 2001.

Villefranche : à Béligny, pourquoi ?

En 2002 Gleizé, puis Béligny.
Avec Sœur Francette on a répondu à l’appel du père Georges Favre pour venir nous installer à Béligny.
Pour moi, je retrouvais des gens issus de l’immigration et je voulais les accueillir comme j’avais été accueillie en Afrique. D’abord c’est une mission de présence : ici on a fait connaissance avec tout ce qui existait déjà dans le quartier et aussi avec des chrétiens, peu nombreux et vieillissants.
– Il y a la participation d’ATD Quart-Monde avec l’atelier de chants et la bibliothèque de rue.
– Nous avons des contacts avec tous ceux qui gravitent autour de tout cela.
– Alphabétisation des mamans.
– Communauté chrétienne de Beligny :
– préparation des messes.
– Messe du lundi matin.
– Partage de l’Évangile chaque mois.
-Une sortie chaque année (Taizé, synagogue de Lyon ou autres lieux spirituels)
– église ouverte une heure tous les mardis, avec un très petit groupe qui veut porter le quartier dans la prière.
– J’accompagne au catéchuménat une Camerounaise.
– Il y a aussi l’organisation du groupe de chants « Arc-en-ciel » pour la messe une fois par mois.
– Je suis engagée au collectif de soutien aux personnes sans-papiers et à l’association de défense des locataires
– Je fais de l’accueil à la cure de Villefranche.
– Et puis, c’est important, avec Francette, notre engagement dans les rencontres islamo-chrétiennes mises en place avec le père Granjon depuis trois ans. Ces rencontres se développent, et nous donnent de nous reconnaître avec nos différences dans un grand respect mutuel.

Et pour te reposer, au milieu de tout cela, quel passe-temps ?

– La lecture
– la couture
– la marche
– jouer au tarot (surtout en Afrique !), le scrabble
– j’aime beaucoup faire la cuisine
– on a une vie communautaire : nous nous retrouvons à huit environs deux fois par trimestre
– Avec Francette, on prie chaque jour avec la Prière du Temps Présent
– Et puis je rédige quelques « écrits » sur mon vécu…
 

Quel message pour les chrétiens ?

En tant que chrétienne j’ai beaucoup de joie à voir tous ces jeunes chrétiens qui participent à la vie de l’Eglise sur notre paroisse. Mais il y a beaucoup de chrétiens venus d’ailleurs. Alors comment les accueillir, comment toujours mieux les accueillir ? Et aussi, que la Parole de Dieu soit encore plus méditée et partagée entre les générations.

Propos recueillis par Martine et Yves Tricou, le 22 mars 2013