La Loi

Sortant d’une nuée, Charlton Heston, hiératique, descend la montagne, portant au côté les deux tables de la Loi, gravées par des flammes ou des éclairs de foudre censés signaler la présence de Dieu, alors que toute la Bible nous dit que Dieu ne se perçoit que dans un murmure. (1 Rois 12-13) Il joue le rôle de Moïse dans le film «Les Dix Commandements » un peplum hstorico-religieux kitschissime à la sauce Hollywood réalisé en 1956 par Cecil B. de Mille, spécialiste du grand spectacle.

Nombreux sommes-nous à conserver cette image, vraie ou plus probablement fausse. Ah ! le passage de la mer rouge dans ce film, quel moment ahurissant !

 

Que disent les Écritures ?

 

Moïse a reçu une révélation : Dieu lui fait comprendre comment il va conduire son peuple, Israël, représentant tous les peuples connus à l’époque, et par conséquent tous ceux qui seront identifiés plus tard. Symbole, comme Sion ou Jérusalem, de ce qui devrait être le peuple de Dieu.

Les « tables de la loi » étaient conservées dans « l’Arche d’Alliance », sorte de coffre-reliquaire en bois, muni de chaque côté de deux anses dans lesquelles passer des barres pour le porter. Il y a donc un lien « Loi-Alliance », intéressant si on n’oublie pas que le mot « testament », ancien ou nouveau signifie aussi « alliance ». L’Ancien Testament, c’est une première tentative d’alliance de Dieu avec son peuple ; il nous dit comment on doit vivre.

 

En droit, la notion de Loi introduit celle de norme ; ainsi la Constitution d’un pays, le Règlement Intérieur d’une entreprise ou celui du club de boules ; mais la notion de Loi introduit aussi celle de contrat, appelé « la Loi des parties contractantes. »

 

La loi du club de boules lie – si tu viens jouer chez nous voilà comment ça se passe –

et la loi de Dieu libère, c’est toute la différence. « Déliez-le » dit Jésus à propos de Lazare. Et quand il choisit ses proches, il les appelle à être des pêcheurs d’hommes : «laissant là leurs filets, ils le suivirent .» (Évangile de saint Matthieu 4,19-20). Ils ont laissé leurs filets, ce qui les entravait, ce qui nous entrave, pour suivre le Christ. Un chant d’église à la mode il y a quelques années disait : « Ils sont partis sur un regard, ils ont suivi un inconnu, il fallait bien être un peu fou ». Folie pour l’homme, sagesse pour Dieu.

 

Jésus ne dit pas qu’il faut ignorer les lois et leur aspect de norme civile ou politique ; il dit : « rendez à César ce qui est à César » mais en rendant « à Dieu ce qui est à Dieu »

( Évangile de saint Matthieu 22,20-21 et aussi Marc et Luc), il indique que la loi de Dieu, la loi d’amour, est plus forte et aussi d’une autre nature : « ma royauté n’est pas de ce monde ». (Évangile de saint Jean, 18,33-37). Est-ce à dire qu’il existe un autre monde, surnaturel, voire extra-terrestre ? Non le monde dont parle le Christ est le nôtre, mais changé en monde d’amour, par conséquent de don de soi. Le Pape Benoît nous le dit : « Il n’y a pas un autre monde, mais un monde changé ». ( lumière du monde bayard 2010)

 

Avec les tables de la loi, Dieu nous dit quelle est notre part du contrat. Et, comme nous n’avons pas compris, que nous persistons à adorer le premier veau d’or qui se présente, il faut une seconde alliance : Le Nouveau Testament. Dieu ne nous dit plus comment vivre ; il nous montre ce qu’est la vie. Dès ce moment la loi, les interdits et ceux qui les font respecter, ne sont plus nécessaires. Le Christ le dit dans chacune de ses paroles, de diverses manières, comme on tourne autour d’un monument pour bien en voir tous les aspects. Par exemple :

 

« Mon joug est léger » (Évangile de saint Matthieu, 11,28-30) ; oui, puisqu’il change les dix commandements en un seul : « Aimez-vous les uns les autres ». (Évangile de saint Jean, 15,

9-17)

 

« Le Sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le Sabbat» (Évangile de saint Marc 23-28)

 

Et tant d’autres paroles ! Tout le message et toute la vie du Christ tient en cela.

 

La loi est nécessaire à un peuple, comme dans l’Ancien Testament mais elle montre aussi ses limites avec la question de Moïse demandant à Dieu son nom. Et la réponse nous met déjà hors du temps de la loi : « tu leur diras, JE SUIS m’a envoyé ».

(livre de l’exode, 3,14) Ce n’est plus la loi, c’est une personne, une présence, un être. Et nous retrouvons ce « Je suis » dans les paroles du Christ, à de nombreuses reprises, notamment dans l’Évangile de saint Jean. 

Le Nouveau Testament s’adresse à chaque homme, Dieu ayant pris notre condition humaine ; la loi est derrière nous, et en l’intégrant : « Je ne suis pas venu pour abolir mais pour accomplir » (Évangile de sait Matthieu 5,17) en la dépassant, elle nous rend libres. C’est la raison de l’opposition des Pharisiens et des scribes à l’enseignement du Christ : il leur enlevait leur pouvoir sur le peuple. La Foi rend libre, ce n’est pas par hasard si l’Esprit est symbolisé par une colombe pure, aérienne. (voir le mot du mois d’aout 2012).

 

Saint Paul parle de la loi comme moyen d’approcher Dieu, comme voie vers la justice, la justice étant d’être « ajusté » à Dieu ; mais il parle aussi de la loi comme permettant de découvrir le péché : « La loi serait-elle péché ? certes non ! Mais je n’ai connu le péché que par la loi. Ainsi je n’aurais pas connu la convoitise si la loi n’avait dit : tu ne convoiteras pas…car sans loi, le péché est chose morte » (lettre aux Romains 7,7 ; voir aussi 7,13-15).

 

Mais ce qui importe aux chrétiens n’est pas la loi, c’est la vie dans l’Esprit : « Mais maintenant, morts (par le baptême) à ce qui nous tenait captifs, nous avons été affranchis de la loi, de sorte que nous servons sous le régime nouveau de l’Esprit et non plus sous le régime périmé de la lettre ». (lettre de saint Paul aux Romains 7,6)

 

Ce qui fonde le christianisme, à la différence des autres religions ou assimilées, ce n’est pas un ensemble de règles, de préceptes, d’interdictions et de rituels, mais la relation à une personne, et la certitude de sa présence.

 

Nous sommes donc entrés dans le temps de la Foi, comme nous y invite saint Paul dans sa lettre aux Galates : « Nous savons cependant que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la loi, mais seulement par la foi en Jésus-Christ … Par les œuvres de la loi, personne ne sera justifié… Car si, par la loi, on atteint la justice, c’est donc pour rien que Christ est mort » ( 2,15-21). Saint Paul recommande en passant par la foi d’accomplir « la loi du Christ » qui est de porter « les fardeaux les uns des autres » (6,2) « car la loi tout entière trouve son accomplissement dans cette unique parole : tu aimeras ton prochain comme toi-même ». (5,14)

 

Le Cardinal Ratzinger évoquant le baptême de Jésus précise :

 

« L’apparition du Baptiste demeure quelque chose de radicalement nouveau. Le baptême auquel il appelle se distingue des ablutions religieuses habituelles. Il ne peut être répété et doit être l’accomplissement concret d’une conversion qui redéfinit pour toujours la vie entière… il s’agit de surmonter son existence antérieure peccamineuse, de prendre un nouveau départ pour mener une autre vie… il s’agit d’un nouveau commencement, à savoir d’une mort et d’une résurrection ». (Jésus de Nazareth, Flammarion, 2007)

 

Jésus s’avance pour recevoir le baptême de Jean, le Baptiste, qui d’abord refuse ; mais Jésus lui répond : « c’est ainsi que nous devons accomplir complètement ce qui est juste ». (Évangile de saint Matthieu 3,15). Ce faisant, jésus laisse entrevoir les paroles d’abandon au jardin des oliviers : « Non pas comme je veux, mais comme tu veux »

(Évangile de saint Matthieu 26,39). Jésus, sans péché, se fait purifier par l’eau, de NOS PÉCHÉS. Il affronte symboliquement la mort, représentée par l’eau, vécue à l’époque comme chaos, menace, mort possible ; mais il en ressort, annonçant ainsi la résurrection, et puisqu’il avait accepté d’être purifié de nos péchés, annonçant de même notre résurrection. Ce que confirme Dieu : « celui-ci est mon fils bien-aimé ». (Évangile de saint Matthieu 3,17)

 

Le frère John, de Taizé, nous dit : « par le baptême, nous mourons à une vie antérieure pour entrer dans la famille de Dieu ». C’est ce que disait aussi saint Paul : «  Jésus est l’aîné d’une multitude de frères ». (lettre aux Romains 8,29). En sorte que « ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui est en moi ». (lettre aux Galates 2,20) .