Les chiffres dans la Bible (suite)

 Trois, quatre, sept, douze, quarante, sept fois soixante dix, soixante douze et … d’autres  – 2.

 QUARANTE

Quarante jours ; c’est la signification du mot Carême – en jargon pré-conciliaire : quadragésime – quarante jours de jeûne, quarante jours du Christ au désert (le temps de trois tentations) les quarante vieillards, (Ali Baba et les quarante voleurs n’entrent pas dans cette lignée).

Quarante, dans la Bible, c’est un temps très long, voire infini, à rebours des trois jours exprimant une réalité proche. Quarante, c’est aussi un temps de passage d’un état à un autre plus pur, plus vivant, plus vital : le Carême bien sûr mais on peut penser à la quarantaine à laquelle on soumettait les personnes atteintes de maladie contagieuse.

 

 

SOIXANTE DIX (ou soixante douze ; dans la Bible, il n’y a pas de différence)

Chiffre symbolique de tous les peuples de l’univers connu à l’époque, quand l’histoire se déroulait essentiellement autour de la Méditerranée. On peut se rappeler qu’une des premières traductions de la Bible s’appelle « la Septante » parce qu’élaborée par soixante dix sages : signe que le monde entier s’y est mis.

 

Et surtout, le Christ nous dit de pardonner « 70 fois 7 fois ». (Évangile de saint Matthieu 18,21-35) C’est beaucoup ! Mais ça montre l’universalité de l’Église : il faut pardonner 70 fois = pour le monde entier, et sept fois = parce que c’est la plénitude de l’amour de Dieu.

Ce qui nous amène à parler du pardon, pour lequel le Père Lustiger demandait de « ne pas aller trop vite », rappelant les conditions du pardon, au nombre de trois :

1 – le pardon est demandé.

2 – il est demandé avec reconnaissance explicite de la faute.

3 – Il est demandé avec la volonté de ne pas récidiver.

 

Nous sommes dans une logique de rédemption, pas facile ni pour le fauteur ni pour la

« victime » ; mais personne ne pense qu’il soit facile de suivre le Christ, qui nous dit : « si quelqu’un veut venir à ma suite… qu’il prenne sa croix ». (Évangile de saint Luc 9,23)

 

Quand le Christ en croix dit : « Père pardonne leur ils ne savent pas ce qu’ils font », cela n’implique pas que les bourreaux et les Juges soient pardonnés, car il faudrait qu’ils fassent la démarche ; cela veut dire : le pardon est possible, venez si vous avez conscience de ce que vous faites. Pour le malfaiteur crucifié en même temps que Jésus, en revanche, le pardon est immédiat parce que demandé avec reconnaissance de la faute : « aujourd’hui, avec moi, tu seras en Paradis » (Évangile de saint Luc, 23,43).

 

Quand le Christ envoie des disciples évangéliser le monde, il en choisit soixante douze, le nombre des nations connues : le message est universel, destiné à atteindre le monde entier.  (Évangile de saint Luc 10,1)

 

 

COMPRENDRE LE MONDE

 Que la Bible, comme beaucoup de croyances et de religions inclue une cosmogonie, c’est normal ; toutes, depuis la plus ancienne Antiquité comme dans des peuples dits primitifs, présentent une explication du monde. (voir « Dieu d’eau » de Marcel Griaule, une série d’entretiens avec Ogôtemmeli, sorcier Dogon). L’architecture traduit cette compréhension du monde dans les rapports entre les éléments architecturaux, le plus souvent à partir d’un nombre dit « harmonique » le nombre d’or  : 1,618 ; appelé PHI d’après Phidias mathématicien et sculpteur grec qui a démontré que ce nombre régit beaucoup de lois de la nature. C’est une application au monde visible, de lois issues de la Création.

 

Mais on trouve aussi dans les églises notamment, des références à la Bible ; par exemple, la hauteur de chaque étage de la façade de ND de Paris est de 30 mètres, comme la hauteur de chaque étage du Temple de Salomon était de 30 coudées. La hauteur des piliers de la cathédrale de Beauvais est de 144 pieds ; c’est dans l’Apocalypse de Jean, la dimension des remparts de la Jérusalem nouvelle : « il mesura les remparts, ils comptaient 144 coudées mesure humaine que l’ange utilisait ». (Apocalypse 21,17)

 

Dans la Genèse, à chaque étape de la Création, on nous dit : « il y eut un soir et il y eut un matin ». C’est la trace de la structure du jour pour les Juifs : la journée commence le soir, à la tombée de la nuit. Et puis, le sixième jour, il n’y a pas de « il y eut un soir…. Pourquoi ? parce que la création continue, elle nous est confiée : « il arrêta au septième jour toute l’œuvre qu’il faisait » (Genèse 2,2). La suite, c’est à nous qu’elle incombe, Dieu nous l’a confiée : « Remplissez la terre et dominez-la » (Genèse1,28). Pour comprendre la Création, pour la dominer le cas échéant, les chiffres, les nombres, les statistiques sont indispensables. Peut-être est-ce une des clés que nous donne l’Écriture.

 

JUSQU’OÙ ALLER ?

 Mention spéciale pour le chiffre SIX. Dans l’Apocalypse de saint Jean, 666 c’est le chiffre de « la Bête » autrement dit le démon.

 

En hébreu ancien, chaque lettre est affectée d ‘un chiffre, dans l’ordre de l’alphabet :

– Aleph = 1

– Beth = 2

– Gimel = 3, et ainsi de suite jusqu’à la dernière lettre qui reçoit (tiens, donc !) le numéro quarante.

Pour l’anecdote, le chiffre 666 est le total des lettres – toujours en hébreu – du nom « Néron », empereur romain sanguinaire, représentant par conséquent « la Bête ».

 

On n’en finirait pas si l’on continuait, jusqu’à des contorsions pour trouver du sens à des notions qui ne nous sont plus guère parlantes. Mais pour le plaisir terminons par le chiffre 153 ; une émission de KTO « paraboles d’un curé de campagne » nous en a donné une explication et elle est assez alambiquée :

Imaginez un triangle équilatéral (trois côtés égaux), dont les côtés sont constitués non de lignes mais de points ; pour la base, posez 17 points ; puis seize pour la rangée du dessus, puis quinze au-dessus…quand vous aurez dessiné 17 lignes, vous arriverez au sommet avec un point. Et vous aurez en tout 153 points, soit le nombre de poissons que, après la résurrection, les apôtres pêchent sur les instructions de Jésus. Pourquoi 17 points ? parce que c’est 10+7. 10 c’est le chiffre de l’univers (cf. Pythagore), 7 celui de la plénitude ; le triangle, lui évoque la Trinité.

 

On frôle l’extravagance ; de quoi voir trente-six chandelles (3X12 !). Tout se passe comme s’il fallait absolument trouver un sens qui n’y est peut-être pas ; dans les Écritures, pas besoin de « se faire des nœuds au cerveau », le sens est perceptible aisément.

 

Dans l’utilisation des symboles, en les rajoutant au fil du temps, l’Église elle-même en fait trop : les soutanes portent 33 boutons parce que c’est l’âge du Christ ! Les chaussures du pape (avant François) étaient rouges pour rappeler le sang du Christ ; sur des chaussures ! On renonce à Satan mais pas à ses pompes ! Certains ornements liturgiques surchargés de signes finissent parfois par évoquer les maréchaux des régimes totalitaires, couverts de décorations. Le Cardinal Ouellet, du Québec, a eu ce mot quand il a été nommé, après avoir reçu les insignes de sa charge : « J’ai plus de bijoux que ma mère ! ».

 

La seule question est : Qu’est-ce qui nous est utile pour comprendre que le Christ est là, présent ? Notre foi de chrétiens n’est pas basée sur un « message » plus ou moins caché dans des symboles, mais sur une présence : le Christ est venu, il est là, il sera là jusqu’à la fin des temps.

 

Comme le dit le pape Benoît, la présence du Christ est « un TU qui jamais ne devient un IL ».