Royaume-règne (2)

 L’ÉGLISE, LE ROYAUME ET LE MONDE

Le pape François rappelle que l’Église ne doit pas vivre de « mondanités » (dans le monde) mais qu’elle doit annoncer l’Évangile sinon elle ne serait qu’une ONG compatissante.

 

On a souvent dit que l’Église est le royaume de Dieu sur terre ; c’est un contresens. L’Église n’est pas le royaume ; elle en détient les clés (la symbolique liée à saint Pierre). Saint Augustin insiste : « Elle a reçu les clés du royaume » et elle le fait connaître par son enseignement ; elle garde le dépôt de la foi, tous les éléments issus de la Révélation et de la tradition qui en découle. Elle est l’image de l’attente de la réalisation complète du Royaume jusqu’au temps où « Le Christ remettra à son Père le Royaume éternel et universel » (Constitution Gaudium et Spes du Concile Vatican II », « Pour que Dieu soit tout en tous » comme l’annonçait saint Paul. (lettre aux Colossiens 15,28).

 

De tous temps, certains ont tenté d’instaurer le royaume en tant que puissance temporelle ; même Gengis Khan et son fils Ogodei avaient ce projet en envahissant l’occident ; en témoigne une correspondance avec le Pape de l’époque, Innocent III, sommé par Gengis Khan de venir lui faire allégeance et de reconnaître le vrai Dieu qu’il représentait. C’est encore de nos jours le projet d’extrémistes de toutes religions ; peut-être était-ce le but de Judas Iscariote, de la secte des zélotes (comme Barrabas) ; il attendait un Messie qui rétablirait la royauté et l’indépendance d’Israël ; déçu que Jésus ne soit pas ce Messie temporel, il l’a « livré ».

 

QUI NE PEUT PAS ACCÉDER AU ROYAUME ?

Dans le « Magnificat », Marie, reprenant de vieilles prières juives dit que Dieu « renvoie les riches les mains vides ». Jésus rappelle qu’il est « plus facile de faire passer un chameau par le chas d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume ». (Évangile de saint Marc 10,23). Évidemment il n’y a ici aucune notion d’ordre économique ; le riche est celui qui, comblé, repu – « couffe » comme on dit a Lyon – aussi bien d’idées que de soi-même, n’attend rien. Le pauvre « en esprit » au contraire s’est affranchi, délivré ; il attend, il est prêt ; peut-être ne comprend-il pas tout, mais il vit dans la confiance. (voir le mot du mois d’avril 2011)

 

Le catéchisme dit aussi : « Le péché mortel s’il n’est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu cause l’exclusion du royaume du Christ ( § 1861 p. 391), reprenant ainsi une parole du Christ : « Il ne suffit pas de dire Seigneur, Seigneur pour entrer dans le Royaume des cieux » ( Évangiles de saint Matthieu 7,21 et saint Luc 6,46 et 13,27)

 

QUE NOUS APPORTE D’ÊTRE ADMIS DANS LE ROYAUME ?

« Quand le monde aura vu sa fin, alors les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume du Père » ( Évangile de saint Matthieu 13,43). C’est le salut l’alliance retrouvée avec Dieu ; espérée dans l’Ancien Testament, réalisée avec le Christ, il nous reste à y adhérer. (testament = témoignage = alliance)

 

Dieu « nous a sauvés…dans sa miséricorde, par le Baptême »

(Lettre de saint Paul à Tite 3,4-7).

 

À Jérusalem après la Pentecôte, Pierre annonce au peuple et aux anciens : « C’est lui la pierre qui, rejetée par vous les bâtisseurs, est devenue tête d’angle. Et le salut ne se trouve dans aucun autre » (Actes des Apôtres 4,8-12)

 

Entrer dans le Royaume, c’est entrer dans la vie éternelle. « Mes brebis entendent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle » (Évangile de saint Jean 10,22-30)

La vie éternelle est aussi appelée dans les Écritures, notamment dans l’Évangile de saint Luc, tout simplement «la vie». Le pape Benoît expliquait que la notion de vie éternelle n’est pas une durée, mais une qualité de la vie, donc de notre proximité avec Dieu.

 

Le Royaume, c’est « justice, paix et joie » ( lettre de saint Paul aux Romains). Justice car la justice c’est être «ajusté» à Dieu, être dans la plus grande proximité avec Dieu. Paix et joie, qui se dit aussi plénitude et que Jésus développe dans l’épisode des « Béatitudes », en réponse à l’imploration : « Qui nous fera voir le bonheur ? » (Psaume 4)

 

Mais surtout le Royaume, c’est l’amour, autre nom de Dieu ; nous entrons dans le Royaume de Dieu quand nous prenons conscience d’être aimés par un amour infini, sans condition ; comme le disait le pape Benoît, quand par une conversion du cœur «nous devenons capables de Dieu». (voir le mot du mois de janvier 2012)

 

QUI PEUT ENTRER DANS LE ROYAUME ?

Tous les hommes sont appelés à entrer. (Évangile de saint Matthieu 8,11 et 28,19) mais pas n’importe comment, car s’il y a « beaucoup d’appelés, il y a peu d’élus » (Évangile de saint Matthieu 21,14)

 

Qui sont « les élus ? 

Écoutons le Christ : (Évangile de saint Jean chapitres 6,11 et 14)

« Celui qui croit en moi a la vie éternelle »

« Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra »

« Celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais » 

« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif »

« Telle est la volonté de mon Père que quiconque croit en Lui ait la vie éternelle »

 

Le Catéchisme de l’Église Catholique  (§ 1724 p. 369 et § 1818 p. 384) nous dit  :

– « Le Décalogue (les 10 commandements), le sermon sur la montagne et la catéchèse apostolique nous décrivent les chemins qui mènent au Royaume. »

– « L’espérance purifie les Hommes pour les ordonner au Royaume »

 

Mais c’est Jésus qui donne les clés de l’entrée dans le Royaume :

– tout donner ; au « jeune homme riche » Jésus dit : «va, vend, donne, viens, suis moi» (Évangile de saint Marc 10,17-22).

– Se savoir pécheur ; « Je ne suis pas venu pour appeler les justes mais les pécheurs » (Évangile de saint Marc 3,17) ce qui implique une conversion du cœur qui nous fait dire : « je ne suis pas digne mais dis seulement une parole et je serai guéri » (Évangile de saint Matthieu 8,5-17).

– Devenir enfant, s’abaisser, devenir petit pour « naître d’en haut par le baptême» (Évangile de saint Jean 3,5).

 

Pour entrer dans le Royaume, devenir enfant ; à l’image de Dieu lui-même qui prend notre condition humaine en cet enfant de Noël, petit, fragile, menacé mais que les humbles, ceux qui sont prêts – les bergers – reconnaissent et devant qui les anciennes croyances – les Mages – s’inclinent.

 

            Noël, c’est le Royaume au milieu de nous.

 

Alain de Guido