Vie

Pour beaucoup de Chrétiens, – et d’autres aussi sans le savoir – la vie « éternelle » est l’espérance majeure, le but de la vie « terrestre ». Il y aurait donc une différence, entre la «vie » et la « vie éternelle » ?

Le plus souvent, quand on interroge des croyants, la vie éternelle, c’est après la mort quand on se retrouve près de Dieu. Ce qui pose deux questions :

 – Pourquoi faudrait-il attendre la mort pour être près de Dieu ?

– Qu’est-ce que cette vie éternelle ?

 Dieu, c’est l’amour absolu, définitif, donc éternel. Dieu ne sait qu’aimer.

Il donne, redonne, restaure notre vie  par son amour qui est création. Les accidents de la vie, les catastrophes, les drames que nous vivons quotidiennement dont se repaissent les médias et qu’ils essaient de nous enfoncer dans le crâne, ne sont pas le fait de Dieu. On entend : « si Dieu existait, tout ça n’arriverait pas » ; tout ça quoi ?  La violence terroriste, les crimes, la crise, le gouvernement, l’opposition, le voisin, les accidents de la route, la hausse des prix… Dire que c’est le fait de Dieu, de son absence, revient à dire deux choses : 

 

D’abord c’est comme si on disait : « Si tu es le fils de Dieu, descends de ta croix ! » (Évangile de saint Mathieu 27,39) Nous mettons Dieu au défi ; c’est un « péché » majeur, un péché contre l’esprit, le seul qui ne puisse se pardonner.

 Et aussi, c’est comme si nous n’avions aucune part dans ces catastrophes ; mais les attentats, les accidents de la route, la crise, c’est Dieu ou c’est nous ? N’est-ce pas nous qui sommes au volant, nous qui posons les bombes, même si ce n‘est qu’en famille ou au travail ? Et puis la vie, c’est risqué ; c’est comme ça, ma bonne dame.

 Dieu ne sait qu’aimer, il souffre avec nous ; Le philosophe-écrivain juif Élie Wiesel déporté à Dachau raconte dans un de ses livres qu’un matin les SS rassemblent tout le camp : on va pendre un gamin qui a volé un morceau de pain. Le gamin est assassiné, et dans le groupe qui l’entoure, Wiesel entend : « Mais où est Dieu ? » et la réponse s’impose à lui : Dieu ? Mais il est là, pendu ! Nous Chrétiens, nous le voyons tous les jours, ce Dieu pendu : « Stabat mater dolorosa, juxta crucem lacrimosa, dum pendebat filius » : La mère douloureuse se tenait auprès de la croix de larmes, d’où pendait le fils. Mais sans oublier la Résurrection.

 

Dieu, amour souffre avec nous. Il était là déjà quand ce gamin déporté volait, non pas un morceau de pain, mais une heure, un jour de vie en plus ;  cet accrochage à la vie, Dieu nous le donne, de toute éternité. Maintenant, pas près la mort. La vie, c’est l’ensemble des forces qui s’opposent à la mort.

 

Le Professeur François Jacob, que j’ai eu la chance de croiser (avec la distance qui convient) savait, Prix Nobel de biologie, ce que la vie veut dire. Combattant dans la deuxième DB du Général Leclerc, gravement blessé, il savait ce que la mort veut dire. Il m’a dit un jour que le but de la vie est de transmettre la vie. Il n’y a rien à ajouter. Si nous ne vivons que pour transmettre la vie, c’est que nous participons maintenant, pas seulement après notre mort, à ce que la vie a d’éternel. Saint Luc dans son Évangile du Christ, ne parle pas de vie éternelle, mais simplement de vie.

 

Que dit le Christ ?

« Celui qui croit en moi a la vie éternelle ». (Évangile de saint Jean 3,36)

« Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ». (Évangile de saint Jean 11,45)

 

Ces deux affirmations de Jésus nous montrent que la mort n’est pas seule en cause quand il s’agit de la vie éternelle. La vie éternelle nous pouvons y accéder dès maintenant, si nous croyons que Dieu est Père, amour, et que le Fils est venu, image de l’homme, pour nous montrer ce qu’il y a de divin – donc d’éternel – en nous.

 

Et après la mort ? C’est affaire d’espérance, de confiance ; comment, retournés au sein de l’amour de Dieu, ne vivrions nous pas éternellement de cette vie d’amour ? Saint Jean nous dit qu’à notre mort nous connaîtrons qui nous sommes parce que nous verrons Dieu tel qu’il est. (1° lettre de saint Jean, 3) Nous ne connaîtrons pas que nous sommes Jules Dupont, John Smith ou Claudius Ducrozet ; nous devrions le savoir ; nous connaîtrons ce que notre vie veut dire, ce qu’il y a de plus vrai, ce que dans toute vie, quelle qu’elle ait été, il y a de plus profond, d’éternel.

 

C’est ce que dit l’Église et très clairement le Cardinal Ratzinger (La Mort et l’Au-delà) : « La vie éternelle, ce n’est pas une notion de durée ». C’est une qualité de vie qui par sa profondeur, par notre compréhension rationnelle et la manière dont nous vivons, rejoint l’éternelle continuation de la vie. Ce n’est en rien une morale, c’est rejoindre le plus profond de l’homme ; c’est de l’anthropologie, comme quand on dit : pour transmettre la vie, il faut un couple femme-homme parce que « homme et femme il les créa ». (Livre de la Genèse 1,27)

 

Alain de Guido