Gidlin BEZAMANY


Tu viens de Madagascar, quelle était ta vie là-bas ? …et ta vocation ?

Je suis malgache né en 1981 à ANTALAHA, ville de 75 000 habitants. Je suis le dixième enfant d’une fratrie de onze. Mon père était instituteur et j’ai fait mon Primaire avec lui.

Ma famille était catholique pratiquante, mon père était très engagé dans la paroisse et aussi organiste. On habitait à côté de l’église et donc on ne se posait pas de questions : le dimanche on allait tous à la messe !

Après un bac en mécanique générale, j’ai fait un BTS en mécanique automobile.

Depuis mon enfance, la vocation religieuse était présente : mes parents invitaient beaucoup de prêtres chez nous.

Et puis, avec mes frères, on « jouait à la messe »… !

Ça s’est concrétisé en troisième en parlant avec un copain qui était au séminaire.

Une fois mes études finies et lors des JMJ nationales à Madagascar, j’ai été très marqué : un prêtre m’a parlé et expliqué la vocation pour les jeunes : ça a fait surgir ce que j’avais en moi…

Je logeais chez un frère qui accueillait également un prêtre responsable d’ACI. Tous les deux nous avons beaucoup parlé et il m’a conseillé de rentrer en propédeutique en 2001.

Puis ce fut le grand séminaire. Trois ans avec de la philosophie et de la théologie fondamentale, pour faire ensuite un stage de deux ans à l’archevêché. Je m’occupais des comptes, mais on a surtout lancé une radio, comme RCF, qui me prenait presque toute la journée, jusque tard le soir.

J’ai aussi donné des cours d’éducation chrétienne dans un lycée.

Ensuite j’aurais dû retourner au grand séminaire pour continuer la théologie, mais l’évêque m’a envoyé au PRADO à LIMONEST en 2007 pour finir ma formation et  préparer un Master  en théologie.

Le PRADO m’envoie en paroisse le week-end. Après Vaulx-en-Velin ce fut Villefranche.

J’ai été ordonné prêtre le 31 juillet 2011 à Madagascar. Ma langue maternelle est le malgache, mais on apprend le français à l’école. (Indépendance du pays en 1960).

J’ai 34 neveux et nièces et déjà deux arrière-petits-neveux ! Quelle joie !

Comment se porte l’Eglise dans ton pays ?

À Madagascar il manque de prêtres par rapport aux paroisses et à la population, mais il en manque moins qu’ici, quand même !

Les paroisses sont très étendues, une centaine de kilomètres les unes des autres et de la paroisse principale. Souvent un prêtre part un mois dans une petite paroisse éloignée… Chaque dimanche – le jour du Seigneur où l’on célèbre la résurrection du Christ qui est le centre de notre foi chrétienne-  toutes ces petites communautés chrétiennes  se font des célébrations sans prêtre,  par des catéchistes. Beaucoup sont engagés heureusement. Ce temps de rassemblement dominical des baptisés avec ou sans prêtre, est le lieu de rencontre, de l’écoute de la parole de Dieu, de partage et de la solidarité…

Il y a 26 % de catholiques et 23% de protestants ou l’Œcuménisme marche très bien, puis 5 % de musulmans natifs de Madagascar. Les gens pratiquent, même sans prêtre, ce n’est pas comme ici…

La vie du clergé ne tient qu’avec les quêtes des fidèles qui servent  également à  faire fonctionner la paroisse… On vit très, très simplement… Arriver à manger c’est déjà pas mal… Avoir une voiture ? Oh non ! C’est impossible !

Nommé vicaire ici, à Villefranche, quel est ton ministère ?

En tant que prêtre étudiant, c’est divisé en deux :

Mes études car j’ai un Master à soutenir et  beaucoup de travail personnel,

Sinon, c’est :

les messes semaine et dimanches

je suis conseiller des scouts d’Europe

conseiller religieux d’une équipe Notre-Dame

des baptêmes, des mariages, des funérailles parfois

avec Geoffroy, une équipe des jeunes professionnels

aumônerie publique (de seconde à terminale)

et la communauté malgache de Lyon à la chapelle du PRADO : j’y accompagne aussi les deux groupes de confirmands et les servants de messe.

… Et tout cela en train, bus ou scooter !

Tu as un ministère très varié : quelles joies, quelles difficultés ?

Mes joies : l’accueil des paroissiens qui m’invitent régulièrement, simplement. Étant très loin de chez moi, c’est une joie d’être reçu et, comme ça, je me sens pas trop seul mais en famille. Joie d’être dans cette belle paroisse : une communauté  joyeuse, priante, généreuse, persévérante…

À la cure, on forme une bonne communauté de prêtres, il y a une bonne ambiance et de l’entraide !

Mes découvertes : au niveau de l’organisation de la paroisse, c’est parfaitement agencé, chacun a sa place et sa responsabilité.

Mes difficultés : la langue, ce n’est pas toujours facile pour moi, ça reste un souci que l’on ne me comprenne pas… Difficultés aussi sur des initiatives que je devrais prendre, qu’il faudrait que je propose ?

 Enfin, difficultés avec des funérailles : j’ai du mal à trouver ma place dans ce ministère.

Tu vas repartir en septembre pour ton pays, c’est normal, que vas-tu y faire ?

Oui, je suis content de rentrer chez moi en septembre. C’est mon pays… Ici je suis marqué par cette paroisse vivante et joyeuse… J’ai découvert également des souffrances… Sinon je n’ai aucune idée de ce que je vais faire à Madagascar : ni ma nomination… Paroisse, séminaire, service diocésain, … ? Mais j’aimerais beaucoup être en paroisse !

Quels messages tu nous laisseras ?

Au fond du cœur, en tant que chrétien, c’est la place que je dois donner d’abord à la parole de Dieu. C’est cette parole qui se vit à la messe, c’est cette parole qui nourrit, c’est cette parole qui doit être au cœur de la vie… Une parole de Vie qui nous crée et récrée, qui nous fait vivre, qui nous illumine, qui nous fait exister

Je tiens beaucoup à cela, car à Madagascar c’est très fort. Là-bas, il y a peu de messes, et c’est la parole de Dieu qui prend toute sa place. « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous »  (Jn 1, 1)

                                                                                                             
Propos recueillis le 18 janvier 2013 par Martine et Yves Tricou