Le feuilleton d’Alain : « Mont Saint Michel, au fil du chemin »

Semaine après semaine, Alain Dubuis, nous propose de partager un bout de chemin avec lui, de Villefranche au Mont Saint Michel…pélerinons ensemble !

 

Préambule (préambule : nom issu du bas latin : « qui marche devant »)

« Le monde est en ordre quand il y a un commencement et une fin ».
J’aime beaucoup cette phrase qu’une très chère amie (C.S.) nous rapportait du professeur Leboyer.

Et pourtant à l’instant où je la retrouve en dernière ligne de mes notes de pèlerinage vers le Mont Saint Michel, je m’interroge sur l’existence même de la fin réelle de ce périple.
Il me semble que ce qui me reste de ce périple n’en finira jamais de cheminer en moi.

Parler de ce chemin, ce n’est pas décrire un itinéraire, avec des kilomètres, des étapes, des adresses de gîtes, de ravitaillement et d’hébergement, des paysages. J’ai conservé tous ces détails d’ordre pratique, mais ce ne sont pas eux qui me paraissent intéressants.
Je préfère tenter de livrer aujourd’hui ce qui me semble constituer une sorte d’épine dorsale de ce voyage.
« Voyage » du latin « viaticum » : ce qui sert à faire la route.
Ainsi je perçois le voyage comme étant à la fois la voie et tout ce qui la sous-tend.

Mon « viatique », ma voie et ce qui la sous-tend est de l’ordre du désir.
Le désir. Sujet de feu qu’une amie de cœur, Jacqueline KELEN, définit comme « la brûlure du cœur », et qui ramène à ma mémoire cette belle définition de l’amour, chantée par un troubadour du XIIème siècle : « Aimer, c’est tendre vers le ciel à travers une femme »

La source de mon désir (où le feu prend-il sa source ?) de marcher vers le Mont se situe quelque part sur les différents tronçons de chemin de Saint Jacques de Compostelle parcourus pendant ces dernières années.
Et aussi, bien plus en amont, de modestes sentiers de l’enfance, ceux parcourus en famille, de quelques courses plus ambitieuses, de mémorables traversées à ski avec peaux de phoque, de périples insouciants et approximatifs autour des Causses et des Cévennes, des chemins forestiers et charrois arpentés pendant une carrière…
Chacun d’eux m’a apporté son lot de richesses, et ils ont tous leur parfaite place, chacun en leur temps.

 

De quel ordre est donc ce désir ?

D’abord un désir de « partir », de tendre vers un lieu, un « haut lieu », fort, chargé, qui ait quelque chose à voir avec le sacré.

Aussi, et surtout de « créer » mon chemin, un chemin qui ne soit pas défini en tant que chemin de pèlerinage vers …, qui ne bénéficie pas tout au long de son cours d’infrastructures d’accueil et d’hébergement, un chemin sur lequel je partirai de chez moi à pieds, comme un vrai pèlerin de temps lointains (ce que je n’ai réalisé que partiellement puisque je suis parti de saint André d’Apchon, près de Roanne).

Le Mont Saint Michel m’est apparu comme une évidence par sa situation à la lisière incertaine, éternellement mouvante entre la terre, la mer, …et le ciel.
Pendant les mois de l’hiver, j’ai cheminé sur les cartes pour étudier le chemin que je prendrai, faire un inventaire des hébergements possibles, évaluer des distances, imaginer des étapes, recueillir par téléphone ou via internet des renseignements pratiques, cadrer ce parcours dans l’espace et le temps.

Je me suis tracé un chemin partant de Saint André d’Apchon, – près de Roanne, et situé sur celui de Saint Jacques entre CLUNY et LE PUY – empruntant en gros le tracé du G.R.463, via GANNAT jusqu’à EVAUX LES BAINS, puis les GR 41 et 46 via CHATEAUROUX jusqu’à TOURS, empruntant ensuite le GR3 sur la rive gauche de la Loire, via SAUMUR, jusqu’à ANGERS, puis d’ANGERS au MONT SAINT MICHEL en empruntant à contresens le chemin de SAINT JACQUES de COMPOSTELLE jusqu’au Mont.

En fonction de la longueur estimée (900 kms), je me suis prévu cinq semaines à partir du lundi18 avril jusqu’au dimanche 22 mai, de manière à me ménager une pause à TOURS (où ma sœur et une couple d’amis me rejoindront pour m’accompagner jusqu’à Angers), une autre pause à ANGERS, chez un neveu, (avant de cueillir au LION D’ANGERS, Danièle, compagne pèlerine au long cours), et réserver une journée à passer (à l’atterrissage) au Mont au terme du voyage.

Pour en terminer avec ces aspects « matériels », j’ajouterai que le plan prévu a été respecté, et qu’en définitive j’ai parcouru mille kilomètres.
Jour après jour j’ai noté l’essentiel au dos des extraits de cartes (afin d’aider ma mémoire en l’absence de photos), et en septembre, sur l’incitation d’un ami, je me suis appliqué à mettre en forme ces notes, ce qui a été une nouvelle manière de voyager pendant plusieurs jours.

Puis de ce « carnet de notes de voyage » j’ai extrait les paragraphes écrits en italique, et qui sont de l’ordre de la réflexion générée par cette pérégrination, quand au hasard des étapes le randonneur devient pèlerin. En quelque sorte la substantifique moelle, le cœur du chemin.


 Alain Dubuis

rendez-vous la semaine prochaine pour lire la suite !