Les réanimations-rappels à la vie

Dans l’Évangile, si on n’y prend garde, la Résurrection peut être confondue avec d’autres signes miraculeux, accomplis par le Christ.

Rappelons-nous avant de continuer, que l’Église ne nous demande pas de croire aux miracles ; cela ne figure pas dans le « CREDO ». Un antique penseur chinois disait : « Quand le sage montre la lune, le fou regarde le doigt ». Les miracles, c’est la même chose si, au-delà du signe, on ne cherche pas le sens. Merci M. Sartre de nous avoir appris à distinguer le signifiant du signifié.

Les « miracles » sont souvent mis à toutes les sauces, non plus comme manifestation divine, mais comme « quelque chose d’exceptionnel ». On a parlé dans les années 80, du miracle italien, à propos de performances économiques. Il faudrait peut-être savoir ce qu’en dirait aujourd’hui M. Monti. « On donne à ce mot un sens que les auteurs bibliques n’auraient pas compris » (Dictionnaire Biblique abrégé, Louis Monloubou, Desclée 1989).

Par ailleurs, l’idée même de miracle entretient la croyance à un « surnaturel », donnant lieu à des pratiques superstitieuses, voire ésotérico-sectaires, et en tout cas, loin de la Raison, qui pourtant – le Pape Benoît insiste beaucoup à ce sujet – est la base de la Foi, ce que dit aussi le Catéchisme de l’Église Catholique
(§ 466) : « Le Verbe, en unissant dans sa personne une chair animée par une âme rationnelle, est devenu un homme. »

Les « miracles » du Christ sont toujours des appels à la vie, et surtout à la liberté : « lève-toi… va… va dire… ; au jeune homme riche (Évangile de saint Marc 10.17-22) cinq injonctions libératrices : va, vends, donne, viens, suis… Au début de sa vie publique, il choisit ses disciples en leur disant : Laisse-là tes filets.

Pour sortir des idées de surnaturel, que se passe-t-il réellement lors de ces rappels à la vie ? (1)

La Fille de Jaïros (aussi appelé selon les traductions : Jaïr, ou Jaïrus)
Évangiles de saint Matthieu 9.18-26, de saint Marc 5.21-4,3 de saint Luc 8.40-56

Jésus dit : « l’enfant n’est pas morte elle dort », autrement dit : elle n’a pas quitté l’enfance. Jésus facilite ce passage vers l’adolescence : elle se met à marcher, les parents sont priés de seulement la nourrir, la voilà autonome, rendue à sa vie à venir, à sa féminité commençante.

Le fils de la veuve, à Naïn
Évangile de saint Luc 7.11-17

Le fils de la veuve n’était pas un jeune homme, mais un « demeuré fils » endormi, engoncé dans une relation à sa mère étroite et fausse.

Jésus dit : « Jeune homme »
« Lève-toi »
« Je te l’ordonne »
Trois injonctions, comme quand, dans l’Ancien Testament, (1 Rois 17-24) Élie libère un jeune homme de 3 liens.

Lazare
Évangile de saint Jean 11.17-44

Jésus demande « où l’avez-vous mis ? », c’est à dire : « qu’en avez-vous fait ? dans quel état l’avez-vous mis ? ». De même que, au jardin d’Eden, Dieu demande à Adam, après la faute : « Où es-tu ? » c’est à dire, et maintenant, dans quel état es-tu ? où en es-tu ?
Jésus dit : – « viens au-dehors ».
– « déliez-le ».
– « laissez-le aller » .

Dans la Bible TOB, (page 1588) cet épisode est appelé : « Jésus rappelle Lazare à la vie ». Il n’est pas question de résurrection, simplement parce que ces réanimations, pour spectaculaires qu’elles soient ne sont pas des résurrections ; l’état de la science à cette époque ne permettait pas de distinguer la mort des comas profonds, voire de certaines « absences » épileptiques ; de même, on qualifiait de lépreux, beaucoup de ceux qui présentaient des maladies de peau même bénignes. (Lévitique, 13. 1-46).

Beaucoup de signes du Christ sont improprement appelés résurrections (voir « mot du mois » de mai 2012). On omet ce qui est fondamental : Après la Résurrection, le corps du Christ est changé, toutes les apparitions le montrent portant les plaies de sa crucifixion. Dans les cas de réanimations, c’est le corps d’avant qui subsiste, mais libéré, vivant d’une liberté nouvelle, signe d’une véritable, profonde et définitive liberté, que seule peut donner une relation profonde à Dieu, par le Christ. Quand il fait un miracle, Jésus ne dit pas qu’il vient de lui, il dit : « ta foi t’a sauvé ». Le vrai miracle, c’est d’entrer dans la foi. La grâce de croire nous est donnée par Dieu, gratuitement, définitivement ; mais nous avons à y adhérer ; le Père Varillon écrivait « en réalité on se sauve soi-même en adhérent à la proposition de salut ». ( Joie de Croire Joie de Vivre centurion 1981).

Les rappels à la vie de la fille de Jaïros ou de Lazare par exemple, ne sont possibles que parce que Jaïros s’approche de Jésus « prosterné » et que la sœur de Lazare court vers Jésus. Les miracles sont possibles pour ceux qui viennent vers jésus avec confiance et foi. Le frère Roger fondateur et prieur de Taizé écrivait : « La joie parfaite est dans l’élan de qui accourt vers le Christ ». C’est ce que nous dit saint Matthieu quand jésus prononce le « sermon sur la montagne » ; relatantde l’épisode dit des « Béatitudes » Matthieu dit : « Jésus s’assit et ses disciples s’approchèrent ». (Évangile de saint Jean, 5.1)

La Résurrection du Christ et par conséquent la nôtre, c’est évidemment bien autre chose. Et le « spécialiste es-Résurrection », c’est Saint Paul, qui nous guidera le mois prochain.

(1) Pour approfondir, on pourra lire le travail de Françoise Dolto : l’Évangile au risque de la psychanalyse, éditions Jean-Pierre Delarge 1978.