Eglise

Du grec ekklesia = convocation = littéralement : voix ensemble. Au sens de rendez-vous, d’appel.

Sur la Croix, le Christ montrant Marie, dit à son disciple Jean : « voici ta mère ». Et dans le même instant il dit à Marie : «mère, voici ton fils».(Évangile de saint Jean 19.27).

C’est l’instauration de l’Église, dont les chrétiens sont les fils. Le frère Pierre-Yves de Taizé écrit : « Femme, te voici la figure de l’Église dans ce qu’elle a de plus aimable, de plus aimant » ( les sept paroles de notre Seigneur sur la croix, Presses de Taizé 2008)

« L’ange (1) annonça à Marie qu’elle serait la mère du Seigneur ». Quand Gabriel fait à Marie cette annonce, non seulement elle ne refuse pas, ne barguigne pas, mais elle accepte, et chante la louange de Dieu, avec une prière qui lui vient du fond des âges du peuple juif. Ce faisant, elle insère tout ce qui va se produire, dans cette identité du « peuple élu ». Et, à rebours, elle insère tout ce qui a précédé dans ce chapitre de l’Alliance qui s’ouvre. Et surtout, dans cette confiance absolue, sans négocier, sans tergiverser, elle se montre réellement vierge, c’est-à-dire disponible.

Dire « la vierge Marie », c’est accepter, y compris pour soi-même cette pureté du cœur, cette attente, sans que cela s’apparente à une soumission ; Marie, pour ce que l’on sait de sa vie, n’était certainement pas soumise ; À Cana, c’est elle qui met Jésus «au boulot », sans directives, mais avec un simple constat : « Ils n’ont plus de vin ». Sous-entendu : « t’es cap ? ». Et Jésus se met « en tenue de service ». On pourrait noter au passage que cet épisode se situe le troisième jour de la vie publique de Jésus. Troisième jour parfaitement symbolique, comme tous les miracles, d’un autre troisième jour : la Résurrection.

Et si l‘Église nous disait toujours : « t’es cap ? » l’Église nous convoque, encore et encore. Vers la fin des années 70, il y avait dans les paroisses un chant très prisé : « Seigneur, tu nous appelles, et nous allons vers toi… ». Il en est de même maintenant, nous sommes sans cesse appelés par le Seigneur, incarné dans son Église, continuatrice gardienne et dispensatrice de sa parole.

Bien sûr, l’Église est critiquée, et même parfois critiquable ; et alors ? Quelle autre « institution » présente une histoire bi-millénaire ? Aucune sauf l’Église. Quelle autre institution humaine est totalement exempte d’erreurs, de péchés, voire de crimes ? Aucune, y compris l’Église. C’est au contraire une sorte de miracle que cette Église, faite d’hommes, soit toujours vivante ! Et s’il n’y avait l’Esprit Saint, cela n’aurait pas duré. Saint Paul le disait bien : « C’est l’Esprit Saint qui vit en moi ». ( lettre aux Galates, 2,20).

La première preuve que l’Église est garante de la Parole, de l’alliance, c’est précisément qu’elle dure et qu’elle croît. Oui, elle croît ! en 2001, il y a dans le monde 15% de chrétiens de plus qu’en 2010 ! Et rien ne permet de penser que cela se ralentirait en 2012, au contraire.

La seconde évidence, c’est que l’Église est toujours au centre des phénomènes sociaux. Les médias, à 95 % hostiles, ne cessent pourtant de parler d’elle. Pourquoi, si elle n’a aucune importance ? Parce que probablement, volens nolens, on lui reconnaît une autorité morale, spirituelle, et que sans vouloir le dire, on reconnaît que sa parole,
– qui n’est pas la sienne mais celle qu’elle porte – compte. Il y a dans le monde 1milliard deux cent millions de chrétiens ; ce ne sont pas tous des abrutis superstitieux. Au contraire ils sont au cœur de la vie, de la lutte pour l’homme : 40% des actions caritatives dans le monde sont le fait de Chrétiens. Récemment dans le journal « La Croix » un aumônier des prisons expliquait qu’il jouait aussi ce rôle auprès de musulmans, parce que, comme le disait un détenu, « les imams ne viennent pas, ils sont demeurés au moyen-âge » ; il veut dire que, ayant fauté, il est définitivement rejeté. L’Église au contraire, c’est la présence, la possibilité du pardon, comme le Christ est venu rétablir notre lien vital avec Dieu.

L’Église a un rôle : dire « la Vérité ». Pas des vérités changeantes et successives comme on en vit dans nos pays, mais LA vérité, le fond de notre humanité, ce qui nous fait hommes et que montre le Christ. Le pape Benoît dit dans son livre d’entretien avec un journaliste :
« Étant donné notre univers, la présence en lui de toutes ces grandes forces de destruction, toutes les oppositions qui vivent en lui, les menaces et les erreurs…
Si tout le monde avait été toujours d’accord, j’aurais dû me demander sérieusement si je proclamais l’Évangile dans sa totalité ». (Lumière du Monde Bayard 2010)

Le Christ disait : « Je ne suis pas venu pour apporter la paix » (Évangile de saint Matthieu 10,4-36). C’était dire que la Parole fera bouger ce monde, où ne se trouve pas le royaume de Dieu : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Évangile de saint Jean,18,36). C’était annoncer que sa Parole et sa vie apporteront de grands bouleversements, comme en témoigne ce qui se passe à sa mort : Les ténèbres recouvrent la terre, la terre tremble. Et surtout, le rideau du Temple se déchire. Il n’est plus nécessaire : L’Alliance nouvelle est révélée sur la Croix, par la Croix ; de même l’Église nait sur la Croix.

Alfred Loisy, enseignant, frustré de n’avoir pu être ni prêtre ni moine, s’en prenait volontiers à l‘Église ; dans son livre « l’Évangile et l’ Église » de 1902, il écrit : « Le Christ annonçait le royaume, c’est l ‘Église qui est venue ».
Il voulait être sarcastique mais c’est raté – comme ses vocations successives – car il énonçait une vérité : Le Christ annonçait le Royaume, le Christ est le Royaume, et c’est lui qui a institué l’Église en nous disant :
«Fils, voici ta mère ».

 

 

 

(1) Ange : voir le mot du mois de septembre 2011