NOTRE PERE (2)

Jusqu’à Noël, nous allons réfléchir à ce que dit profondément le Notre Père, aidés par ce qu’ont écrit François d’Assise, les papes François et Benoît XVI, le Cardinal Barbarin, le Cardinal Daniélou, les pères de Bruchard, Bernard Bro dominicain, François Varillon jésuite, Jean-Pierre Batut Évêque de Blois, Frère John de Taizé, Jacques Duquesne journaliste. C’est leur pensée et seulement leur pensée que l’on trouvera dans ces textes ; je n’ai fait que rassembler, mettre en rapport pour faciliter la lecture.

    NOTRE PÈRE QUI ES AUX CIEUX

Dès le premier mot, le pluriel du Notre Père brise l’individualisme du priant. Il exige que nous sortions de la clôture de notre « Je ». Pour m’ouvrir au Père, le premier geste sera de m’ouvrir aux frères. Le Christ indique que la prière s’adresse à Dieu comme celui qui fait naître ; et la paternité céleste réunit ; elle nous renvoie à ce « nous » plus grand qui dépasse les frontières, abat les murailles et crée la paix.

Le Notre Père est le résumé de l’Évangile, et les premiers mots sont le résumé de la prière entière. Jésus emploie le mot dans une expression courante « Abba » ; comme les enfants, en famille et dans les rues. Or c’est le seul mot en araméen que l’on trouve dans le Nouveau Testament ; il a dû d’autant frapper les auditeurs. Ce mot traduit une intimité unique et une confiance filiale. Par ce mot, Jésus nous fait entrer dans sa propre relation avec Dieu « afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ». (Letre aux Romains 8,29)

« Je ne vous laisserai pas orphelins » dit Jésus. (saint Jean 14, 18) Le Notre Père nous donne de la sécurité ; j’ai un père qui m’apporte l’histoire, me fait voir la racine, me protège, me fait aller de l’avant, qui m’accompagne ; lorsque tu te repens de tes mauvais choix, il t’embrasse et te fête. C’est le Dieu grand, le Dieu de gloire ; mais il chemine avec toi.

Dieu comme Père n’est pas une nouveauté du Nouveau Testament ; les Juifs aiment l’appeler ainsi : « Pourtant, tu es notre père… Si Israël ne se souvient plus de nous, toi, Seigneur, tu es notre père, notre rédempteur, tel est ton nom depuis toujours ». (Livre d’Isaïe 63,16) Quand nous entrerons dans le royaume de Dieu, nous suivrons le Christ et il nous mènera au Père. Le secret, le trésor du Christ, c’est le mystère de sa filiation. 

Dieu père, c’est toute la Trinité qui s’éclaire ; La Trinité n’est pas d’abord le mystère d’un Dieu en trois personnes, mais le mystère de la paternité, c’est-à-dire d’une extraordinaire source d’amour qui se répand, et contrairement aux divinités du paganisme, n’est pas masculine ou féminine mais source aussi bien de la paternité que de la maternité.

« Dans les cieux » n’indique pas que Dieu serait loin de nous, mais que son amour dépasse de loin toute relation humaine.

Le Christ révèle le Créateur comme Père qui divinise ses créatures et les appelle ses fils ; Dieu connu non plus seulement comme « donnant » mais comme « se donnant ». Le don de Dieu est Dieu lui-même, la seule chose nécessaire ; Dieu s’ouvre pour nous introduire en lui. « Dans le Christ, on vit, on se meut, on est ». (Livre des Actes des Apôtres 17, 28) et « le Christ est dans le Père ». (saint Jean 14,10) Le Notre Père nous montre à partir de Jésus comment nous devrions et comment nous pouvons devenir des hommes. Jésus, de la même substance que le Père, veut nous faire entrer dans son « être homme » et par là, dans son « être fils ». 

Bien sûr l’expression « aux cieux » n’est pas une notion géographique ; le ciel existe quand Dieu est effectivement présent, et ce mot vient, comme « règne » ou « royaume » à la place du mot Dieu que les anciens ne prononçaient pas.

François d’Assise :

Ô qu’elle est grande la miséricorde du Créateur, qui permet que l’appellent Père ceux qui, commettant des forfaits, le renient chaque jour ! Et blasphémant la majesté divine, ont l’audace de dire : Notre Père qui es aux cieux, c’est-à-dire : 

    « Seigneur, prends pitié ! »

Un mystère n’est pas quelque chose d’incompréhensible, c’est quelque chose que l’on n’a jamais fini de comprendre.

Alain DE GUIDO