Juges, juger, jugement

Voilà des mots sur lesquels on lit le plus de contresens mais aussi, comme souvent dans la Bible, de doubles sens, de jeux.

 

JUGER = CONDAMNER ?

 

« Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés, ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. »(Évangile de saint Luc 6,37) Juger et condamner, ça va ensemble, mais ce n’est pas la même chose. La question est en effet : qui sommes-nous pour juger ? Ce que nous rappelle saint Paul dans sa lettre aux Romains (14,4) : « Qui es-tu pour juger un serviteur d’autrui ? » D’autant que nous pouvons avoir « l’oeil malade ou mauvais » (Évangile de saint Matthieu  6,23 et 20,15) et que nous sommes plus portés à voir la paille dans l’œil d’autrui que la poutre dans le nôtre (Évangile de saint Luc 6,41)

 

JUGER = METTRE EN ORDRE

 

Mais juger, c’est aussi mettre en ordre, comprendre ; l’être humain est doué de raison, de jugement. Juger permet de discerner en se reportant à des critères, des références. On ne peut faire le départ entre le Bien et le Mal sans jugement ; nous serions comme aveugles, incapables de nous déterminer, de nous guider et d’apporter aide à quiconque : « un aveugle peut-il guider un aveugle ? »(Évangile de saint Luc 6,39) 

Nous voyons ici apparaître un autre sens, dans la logique chrétienne qui voit en l’être humain un « être avec » (François Varillon Joie de Croire Joie de Vivre. Centurion 1981) jamais seul, toujours en relation et vraiment humain qu’en relation : pour guider, il nous faut exercer un jugement ; juger permet de guider. Sans jugement, comment indiquer le bon chemin ?

 

Juge = sauveUr

 

Quand le Christ à plusieurs reprises dit aux Pharisiens : « malheureux êtes-vous… »ce n’est pas lui qui les a rendus malheureux ; quand le Christ dit : «venez les bénis de mon Père…allez-vous en loin de moi maudits »(Évangile de saint Matthieu 25,31-46), il ne dit pas «les maudits de mon Père » parce que Dieu ne maudit pas, ne condamne pas ; il ne fait que constater que nous nous sommes mis à mal nous-mêmes en refusant notre nature de « divinisables »( Varillon).

 

Dieu ne sait qu’aimer. Quand il juge, son jugement ne va jamais sans miséricorde :

Dans le Livre des Juges, chaque fois qu’Israël (donc nous) se détourne de Dieu en adorant « Baal et les Astartés » (Livre des Juges 2,13), il est envahi, mis en esclavage, comme nous nous mettons nous-mêmes en esclavage du péché. Quand Israël se tourne à nouveau vers Dieu, celui-ci envoie un juge, qui le conduit, le dirige, le commande, le sauve ; sauveurs nombreux tant Israël a fréquemment trahi : Ehoud, Otniel, Deborah, Yaïr, Gédéon à qui Dieu dit : « Va, avec cette force que tu as, et sauve Israël de Madiân »(Juges 6,15). Tola, qui après Abimelek « se leva pour sauver Israël »(Juges 10,1) et puis Jephté, et d’autres jusqu’à Samson. Dieu ne se lasse pas de nous tirer des mauvais cas dans lesquels nous mettons.

 

À Noël Dieu nous donne encore une fois un sauveur, LE Sauveur en qui tout est accompli et après qui il n’y aura pas d’autre signe. (Évangile de saint Matthieu 12,39)