NOTRE PÈRE (6)

Jusqu’à Noël, nous allons réfléchir à ce que dit profondément le Notre Père, aidés par ce qu’ont écrit François d’Assise, les papes François et Benoît XVI, le Cardinal Barbarin, le Cardinal Daniélou, les pères de Bruchard, Bernard Bro dominicain, François Varillon jésuite, Jean-Pierre Batut Évêque de Blois, Frère John de Taizé, Jacques Duquesne journaliste. C’est leur pensée et seulement leur pensée que l’on trouvera dans ces textes ; je n’ai fait que rassembler, mettre en rapport pour faciliter la lecture.

     DONNE-NOUS AUJOURD’HUI NOTRE PAIN DE CE JOUR

C’est une invitation à avoir faim de vrai pain ; l’homme ne se nourrit pas que de pain. Je demande au Père de pourvoir à mon existence de ce jour, pas plus, pas trop « sans m’inquiéter du lendemain » (saint Matthieu 6,25-34) ; ce que le frère Roger de Taizé appelait « Dynamique du Provisoire ».

Le Seigneur, qui dit à ses disciples de ne pas nous inquiéter pour notre nourriture, nous invite à prier pour notre pain, et ainsi à transférer notre souci sur Dieu ; cela s’oppose à la tentation de notre orgueil de nous donner nous-mêmes la vie.

Saint Cyprien souligne qu’en demandant notre pain nous demandons aussi le pain pour les autres ; et saint Jean Chrysostome dit que chaque bouchée de pain, en quelque sorte appartient à tous, c’est le pain du monde. De fait les Pères de l’Église comprennent cette demande comme une demande d’eucharistie : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». (saint Matthieu 4,4) La véritable nourriture de l’homme est la parole, le verbe éternel, le « logos », parce qu’il a pris chair et qu’il nous parle avec des mots humains.

Le royaume de Dieu est toujours une fête, nous sommes à table et nous lui demandons de nous donner à manger. La force de la présence de Dieu dans le monde est précisément à table, dans l’eucharistie avec le Christ. L’eucharistie n’est pas un prix destiné aux parfaits mais un généreux remède et un aliment pour les faibles.

La Bible nous dit que si l’homme doit travailler « à la sueur de son front » c’est Dieu qui nourrit : « à toute chair il donne le pain, car éternel est son amour ! » (Psaumes 22,104,107…) Aux Israelites en difficulté dans le désert, Dieu envoie la « manne » (mot dont le sens est : qu’est-ce ?) au goût de miel (Ex.16,31) ; cela vient du ciel donc de Dieu, et le goût de miel évoque la Terre Promise, de lait et de miel. Et c’est bien le pain de ce jour, car on ne peut la garder, elle se gâte très vite et il y avait interdiction de prendre plus que pour la journée, sauf pour les deux jours du Sabbat. (Livre de l’Exode 16,20) Lors de la multiplication des pains, jésus dit : « Travaillez, non pour la nourriture qui se perd, mais pour celle qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme ». La Bible ne sépare pas le matériel et le spirituel, la présence de Dieu donne sens à tout. Ce pain de ce jour, ou de chaque jour, c’est le Christ, le « pain vivant » et cette demande nous conduit à vivre dans la confiance, sans nous installer dans le non-essentiel.

« Le pain de ce jour », c’est ce qui nous suffit, mais c’est aussi ce qu’il nous faut pour tenir jusqu’à demain, le pain de Dieu car pour arriver à vivre aujourd’hui, il me faut la force  de demain, la force du royaume. Dans la    vie spirituelle, on ne fait pas de provisions, personne ne peut se reposer sur ses biens comme si c’était acquis une fois pour toutes, il faut venir chaque jour comme un pauvre qui attend qu’on lui donne ; celui qui donne tout, qui va jusqu’au bout du don – la preuve, c’est qu’il pardonne – c’est Dieu. Dans le Notre Père le verbe donner n’apparait qu’une fois, or c’est la demande centrale. Nous demandons à quelqu’un dont la nature même est de donner ; relation du fils à son père, d’une créature à son créateur.

François d’Assise :

Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien, c’est-à-dire l’effusion des larmes, ce sur quoi il est dit : « tu nous nourriras du pain des larmes et tu nous donneras à boire une mesure de larmes ». C’est aussi l’Eucharistie et le pain est la nourriture de la parole. Ce sont ces pains que nous demandons ô Christ, par lesquels est chassé le pain de la douleur, c’est-à-dire le péché 

et toi, Christ, tu es le vrai pain

Alain DE GUIDO