L’enfer

LASCIATE OGNI SPERANZA, VOI CH’ENTRATE

Dante Alighieri dans sa « Divina Commedia » écrite vers 1315, raconte son voyage en Enfer, au Purgatoire et au Paradis. Guidé par Virgile, il lit, au fronton de la porte de l’Enfer, cette phrase : « abandonnez toute espÉrance VOUS QUI ENTREZ ».

L’Enfer, c’est l’abandon de toute espérance, comme le dit Dante. Mais Dante se trompe : il inverse l’ordre des facteurs ; entrer en Enfer ne conduit pas à abandonner toute espérance ; c’est l’abandon de toute espérance qui conduit en Enfer.

L’Enfer n’est pas une notion née du christianisme ; elle existe dans des religions antiques, sous des formes variées mais avec une constante : ça se passe sous terre. Et la profondeur du « trou » est égale à celle de la montagne qu’il nous reste à gravir vers Dieu ; quel symbole !

L’enfer chrétien est parfaitement défini, même s’il a été pollué par des idées proches de la superstition, y compris au sein de l’Église. La superstition est toujours présente aux marges de la Foi, c’est pourquoi le pape Benoît  rappelle constamment que la Foi est liée à la raison, ce qui exclut les dérives parfois sectaires et leur déraison.

L’Écriture décrit le séjour des morts, le « Sheol ». S’y trouvent (mais ce n’est pas un lieu !) les damnés, mais aussi les justes, ceux qui sont « dans le sein d’Abraham ». Tous ceux qui sont morts donc. Dans le Credo, quand nous disons de jésus « il est descendu aux enfers » cela veut dire : il est réellement mort ; mais, sa mort change la mort en vie

Car il est descendu au séjour des morts « en Sauveur, proclamant la Bonne Nouvelle ».

(1P3,18-19)

 

Qu’est-ce donc que l’enfer Chrétien ?

Dieu amour ; Dieu créateur de la vie, par amour ; Dieu sauveur par amour ; Dieu incarné par amour ; Dieu, en qui l’homme peut trouver la seule réponse à son besoin « d’autre chose ».

Et nous refuserions ? Oui ; c’est possible ; si nous descendons en nous-mêmes, nous percevons bien les manques, les reculs, les faiblesses, explicables ou non, les explications, acceptables ou non, et ce que, globalement le frère Roger de Taizé appelait « nos fragilités ». Oui, nos élans de foi, de confiance, sont tellement entravés, tellement diminués ! Oui, notre vie va jusqu’à oublier Dieu, à ne pas lui donner, comme le réclame le pape Benoît, « la première place ». Dieu respecte cette liberté qui est un des fondements de notre nature humaine. Mais si l’homme est libre – de dire oui ou non à Dieu – l’homme ne l’est pas sur un point : il n’est homme qu’en relation. Il est un « être avec ». Quand Sartre dit : » l’enfer c’est les autres », il oublie la dimension essentielle de notre vie ; l’Enfer c’est au contraire l’absence des autres. Dans cette solitude – quelle qu’en soit la forme – l’homme vit en Enfer, loin des autres et donc loin de Dieu. L’Enfer, nous le créons nous-mêmes en nous séparant de Dieu : « celui qui n’aime pas reste dans la mort » dit Saint Jean (1° lettre3,15).

Mais on peut poser un autre regard. Le Cardinal Ratzinger écrit : « l’Enfer, ce pourrait être moins une menace qu’un appel à souffrir dans la mort obscure de la Foi, la communion avec le Christ qui est venu transformer toute notre nuit par ses souffrances…Le Christ va en enfer et le vide en souffrant ».

Et le père Varillon précise (joie de croire, joie de vivre) : « la mort, qui auparavant était l’Enfer, n’est plus l’Enfer. Au coeur de la mort, il y a la vie : Jésus c’est la vie. Au coeur de la mort, il y a l’amour : Jésus, c’est l’amour, le TU absolu, celui qui ne peut devenir un IL quelqu’un dont on parle, mais est celui qui parle et à qui l’on parle …Être Chrétien, ce n’et pas croire à l’Enfer, c’est croire au Christ … et si quelqu’un dit que l’Enfer existe, il se flatte d’avoir un renseignement que les Chrétiens n’ont absolument pas ». Le Pape Benoît insiste avec humour : «  si l’Enfer existe, qui attise le feu ? ».

Mais alors, quand nous disons dans le « Credo » que Jésus est descendu « aux enfers » ? Jésus descend « aux enfers » quand, partageant notre condition humaine, il partage aussi nos angoisses, nos tourments et notre mort ; il les fait siens, et s’il est descendu dans « nos enfers » c’est justement pour y mettre fin, pour nous éviter d’y demeurer en nous montrant comment en sortir : «  je suis le chemin… qui veut me suivre, qu’il prenne sa croix… Laisse-là tes filets…lève-toi, marche… à Marthe et Marie, à propos de Lazare : déliez-le ».

La prédication de Jésus vise à nous sortir de tout ce qui nous entrave, nous empêche de nous « mettre en route » – au sens du mot « heureux » des Béatitudes – vers Dieu, sur le chemin de purification, de conversion, – le Purgatoire – à la suite du Christ.

Le Christ, devant l’enfer de nos solitudes, voulues ou subies nous dit : « Vous ne serez plus jamais seuls, je vous donne ma vie ».

 

La Bible utilise souvent un langage poétique ou symbolique qui peut nécessiter une explication et parfois un « décodage ».  Chaque mois, dans cette rubrique, un mot sera présenté dans un langage courant, plus accessible à ceux qui ne sont pas familiers de l’Église.

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