LA CRAINTE DE DIEU

 Craindre : un mot qui évoque la peur, le repli sur soi, le « petit chef », l’étrécissement de notre espace ; est-ce là une relation possible avec Dieu ?

 Le pape Jean-Paul II, au début de son pontificat en 1978, a lancé cette phrase : « N’ayez pas peur ! »

 Pas avoir peur ? bien, mais alors, que devient « la crainte de Dieu » ? On retrouve cette idée dans toute la Bible, et, il faut bien le dire, surtout dans L’Ancien Testament, qui donne parfois une image d’un Dieu un peu austère, punitif ; lent à la colère certes ; mais même lente à survenir, la colère est possible !

 

Quand les Écritures nous parlent de la colère de Dieu, elles ne s’y arrêtent jamais ; il y a toujours une piste, un apaisement, un salut. (cf.livre de Job ou les Psaumes) « La colère » apparaît alors plus comme une pédagogie, un moyen de nous tirer de notre torpeur, ou de nous éviter de sombrer dans nos souffrances, en nous faisant prendre conscience de la présence de Dieu dans nos vies.

C’est, dans le Nouveau Testament, l’annonce prophétique (= de l’esprit) de la première prédication de Jésus, les Béatitudes ( Évangile de saint Matthieu, 5,3-12 et saint Luc, 5,17-26) : vous êtes dans la peine, en attente ? Oui, mais Dieu est là qui peut vous en sortir, si vous le laisser imprégner vos vies, si vous acceptez de passer de la matière à l’esprit. C’est la structure de presque tous les Psaumes :

 

1 – Qu’est-ce que je suis malheureux !

2 – Mais Seigneur je sais que tu es là !

3 – Et maintenant que tu es là, la vie redevient possible, ça y est, je bouge ! 

 

– Et surtout, le Christ est venu ; Dieu incarné, vivant nos vies d’hommes, nos peines, nos souffrances, nos espoirs, nos abandons. Venu non pour abolir mais pour accomplir, il a montré ce que parfois l’histoire de l’Église avait oublié : un Dieu d’amour,

« le miséricordieux » comme le nomment souvent les musulmans. Oui, miséricordieux, et cela nous est annoncé dans l’Ancien Testament, dès le Deutéronome (4,30-31) :

« Quand tu seras dans la détresse, quand tout cela t’arrivera, dans les jours à venir, tu reviendras jusqu’au Seigneur ton Dieu, et tu écouteras sa voix. Car le Seigneur ton Dieu est un Dieu miséricordieux : il ne te délaissera pas, il ne te détruira pas, il n’oubliera pas l’alliance jurée à tes pères. » . (Dans la Bible, les pères sont aussi appelés « anciens ». Dieu lui-même a été souvent représenté comme un vieillard chenu, un ancien.)

 

Alors, si Dieu est miséricordieux, que devient la crainte ? Voici probablement la réponse :

«  Lève-toi devant les cheveux blancs et sois plein de respect pour un vieillard. C’est ainsi que tu auras la crainte de ton Dieu. C’est moi, le Seigneur ». (Lévitique : 19,32)

 

Craindre c’est respecter. 

Mais certains théologiens avancent aussi l’idée que la crainte, c’est celle que nous éprouvons à l’idée de nous éloigner de Dieu ; ainsi, dans le « Notre Père » nous disons : « ne nous soumets pas à la tentation ».

 

Il est évidemment impensable que Dieu, amour infini, nous soumette à la tentation, en nous tendant des pièges, ou comme au Moyen-Âge on soumettait à la torture, ou qu’il nous laisse sous la domination de la tentation ;  ces mots du « Notre Père », signifient : « aide-nous quand nous sommes si souvent tentés ». La tentation, dans la Bible, c’est toujours les forces qui nous éloignent de Dieu et par conséquent des autres.

 

C’est dans l’amour venu du Père que nous trouvons la force de résister à la tentation.

« Le Seigneur est mon berger, je ne crains aucun mal » (Psaume 22/23).

C’est dans l’amour donné par le Christ que nous trouvons la force, le courage, de même que les disciples à la Pentecôte, reprennent vie après que Jésus, en apparition, leur ait redit  « La paix soit avec vous ». (Évangile de saint Jean, 20,19-23). Alors, ils n’ont plus peur.