Témoignage sur le jeûne eucharistique

Nous vivons des moments étranges qui ne ressemblent à rien de ce que nous avons connu. Nous vivons confinés dans un temps suspendu. Nous sommes inquiets pour nos proches, pour tous ceux qui nous sont chers, mais aussi pour nous-mêmes.

Au nom du bien commun, nous faisons ce que l’on nous demande de faire, ce qui est le plus grand service que nous pouvons nous rendre mutuellement.

Et, pendant ce temps de confinement, bien que nous appréciions l’attitude et les décisions des responsables d’Eglises qui acceptent et assument leur part, la vie liturgique est chamboulée.

Grâce à l’inventivité de nos responsables nous assistons, peut-être pour la première fois, à la messe en direct par les réseaux sociaux, radio, écran télévisé, et nous réalisons qu’au moment de la communion nous ne recevrons pas le corps du Christ. Cette situation nous permet de goûter à une forme de communion spirituelle, comme nous y invitent nos évêques.

Mais quel sens trouver à cela ?

Par mon engagement à l’Acat (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), je l’expérimente chaque année lors de la Nuit des Veilleurs où nous nous rassemblons entre chrétiens de toute confession pour prier pour les victimes de la torture. Certains sont chrétiens : prêtres, évêques, pasteurs, laïcs défenseurs des droits fondamentaux et de pratique de la foi, sont emprisonnés injustement et sans procès et bien sûr n’ont plus accès à l’Eucharistie. Volontairement nous pratiquons le jeûne eucharistique par solidarité, en communion spirituelle avec ces chrétiens persécutés. Ce moment intense de solidarité est signe non pas d’abord du manque de communion mais du rassemblement ecclésial, lors duquel nous communions ensemble au corps du Christ. Et comme cet isolement imposé nous réalisons que l’Eglise est une communion en lien avec tous ceux qui sont éloignés de la communion comme les prisonniers, les malades, les isolés …

Pendant ce temps de solitude imposée, profitons pour découvrir ou redécouvrir que nous ne sommes pas chrétiens pour nous, mais pour les autres, pour le monde. Lorsque nous célébrons et que nous communions au corps du Christ, nous le faisons aussi pour ceux, qui ne sont pas présents, car le Christ s’est livré pour la multitude.

Aujourd’hui, nous sommes associés à ce mystère avec ceux qui peuvent le célébrer (les prêtres…) car ils célèbrent pour nous. Et ce temps « différent » doit nous permettre de trouver ce qu’il peut faire pour l’autre, prendre soin de l’autre, des plus fragiles qui sont autour de nous, les pauvres qui n’ont pas de logement pour se confiner, les réfugiés qui n’ont plus de pays où s’asseoir.

La messe est un acte fondamental dans la vie du chrétien. Dès le début les chrétiens se sont rassemblés pour rompre le pain nous dit les Actes des Apôtres. « Par la communion, nous devenons ce que nous recevons, nous devenons le corps du Christ ». L’Eucharistie est la source et le sommet de la vie chrétienne. Cet isolement nous invite à réinventer une façon de vivre et donner du sens à cette nouvelle manière de vivre sa foi.

Même si la messe est fondamentale, la solidarité envers son prochain (la charité) prime. Elle ne fait qu’un avec l’eucharistie, c’est aussi une manière de communier. Se confiner sans se replier.

Après la crise, qui risque de durer encore quelques semaines, au moment où nous pourrons de nouveau participer à la messe, je pense que  cela nous donnera un amour plus grand de l’eucharistie.

                                       Suzanne Roubeyrie