NOTRE PERE (7)

Jusqu’à Noël, nous allons réfléchir à ce que dit profondément le Notre Père, aidés par ce qu’ont écrit François d’Assise, les papes François et Benoît XVI, le Cardinal Barbarin, le Cardinal Daniélou, les pères de Bruchard, Bernard Bro dominicain, François Varillon jésuite, Jean-Pierre Batut Évêque de Blois, Frère John de Taizé, Jacques Duquesne journaliste. C’est leur pensée et seulement leur pensée que l’on trouvera dans ces textes ; je n’ai fait que rassembler, mettre en rapport pour faciliter la lecture.

PARDONNE-NOUS NOS OFFENSES COMME NOUS PARDONNONS AUSSI A CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS

Saint Paul écrit : « Le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour ». (Lettre de saint Paul aux Colossiens 3,13)

À Pierre qui lui demandait si ce pardon devait aller jusqu’à sept fois, Jésus a répondu : « jusqu’à soixante-dix-sept fois sept fois » (saint Matthieu 18,22) ce qui équivaut à refuser de fixer des limites au devoir de pardonner. Dieu est déjà allé jusqu’au bout dans sa miséricorde à notre égard. Si nous ne pardonnons pas, le pire ne sera pas l’image mauvaise que nous donnerons de nous-mêmes, mais l’image fausse que nous donnerons de Dieu ».

L’offense à Dieu ne détruit pas Dieu, elle nuit à l’offenseur ; les entrailles compatissantes de Dieu se retournent, comme celles du père du fils prodigue ; demander le pardon, c’est aller au-devant du désir de Dieu et tourner le dos à sa propre destruction ; c’est un réflexe de vie.

Nous demandons l’amour de Dieu qui nous recrée et rend possible un nouveau départ en enlevant de nos épaules le poids du passé. Il n’y a pas de commune mesure entre ce que Dieu nous donne et ce que nous pouvons donner à notre tour ; on ne peut jamais se dire « j’en ai assez fait ». Nous aurons toujours à recevoir son pardon. La vérité est : « soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ». (saint Luc 6,36 et saint Matthieu 5,7) La nouveauté de l’Évangile, par rapport à l’Ancien Testament ce n’est pas que Dieu est miséricordieux, mais que nous pouvons l’être comme lui. Et l’amour de Dieu n’est pas une récompense, il est donné. « Dieu nous a aimés le premier ». (Lettre de saint Paul aux Romains 5,8)

On ne peut pardonner que si on a reçu la grâce de se sentir pardonné. Les docteurs de la loi, qui faisaient la guerre au Christ se croyaient des justes ; ils n’avaient pas besoin de pardon et ne comprenaient pas que lui pardonne aux pécheurs.

Dans le mot « comme » existe l’idée de comparaison ; nous ferions une erreur en imaginant une sorte d’équivalence : Dieu nous pardonne et nous pardonnons, ou : il faut bien pardonner puisque Dieu nous pardonne. Dans le sacrement de réconciliation, c’est Dieu qui nous réconcilie avec lui puisque nous l’avons offensé ; il n’y a pas de parallélisme. Dans cette demande, nous avons une paille à pardonner à nos frères tandis que Dieu a une poutre à nous pardonner. Le « comme » ne doit jamais être pris pour une égalité.

Le thème du pardon traverse tout l’Évangile et le Seigneur nous dit que la faute ne peut être dépassée que par le pardon, non par la vengeance ; le dépassement de la faute est une question centrale de toute existence humaine. La faute est une réalité, elle a causé une destruction et doit être surmontée ; le pardon a un coût, et d’abord pour celui qui pardonne, il doit surmonter intérieurement le mal qui lui a été fait, le brûler au-dedans de lui, et ainsi se renouveler. La demande de pardon est plus qu’un appel moral, c’est un défi quotidien qui nous est lancé ; elle nous rappelle celui qui, par le pardon, a payé le prix de la descente dans la misère de l’existence humaine et de la mort sur la croix.

Jésus sur la croix a parlé de nous en demandant à son père : « pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font ». Cette merveilleuse parole de miséricorde est un écho du « pardonne-nous » du Notre Père, car il est vrai que nous ne savons pas toujours ce que nous faisons. Le philosophe Rémi Brague dit : « le péché, on ne sait jamais ce que c’est ». On ne le connait que dans le rétroviseur, quand c’est fait, et surtout quand il est pardonné.

Nous demandons à Dieu de pardonner nos offenses ; mais pouvons-nous offenser Dieu ? N’est-il pas au-delà ? Saint Thomas d’Aquin remarque : « Dieu n’est pas offensé par nous, sauf quand nous agissons contre notre propre bien ». Le pardon jaillit lorsque nous nous tournons vers lui et lui disons : « qu’est-ce que j’ai fait ! » Le poète Heine disait : « mais bien sûr, que Dieu me pardonnera, c’est son métier ! » C’est une boutade, mais c’est dire que Dieu est pardon, don, et amour. Cette demande de pardon nous donne le grand réconfort de savoir que notre prière est assumée par son amour et, avec lui, par lui et en lui, elle peut devenir force de guérison.

François d’Assise :

Remets-nous nos dettes, c’est-à-dire : les biens que nous avons promis de faire au baptême et que nous avons négligés, les péchés et nos forfaits, remets-les-nous comme il est écrit : « Tu as remis l’iniquité de ton peuple, tu as recouvert tous leurs péchés ». Ô Père, nous avons péché devant toi. Mais toi, détourne ta face de nos péchés et toutes nos iniquités, détruis-les. Crée en nous un cœur pur et renouvelle un esprit droit dans nos entrailles

pour que nous remettions leurs fautes

à ceux qui pèchent contre nous

Alain DE GUIDO