Martin Charcosset

 

 

Martin, tu suis ton chemin et tu vas nous quitter…, peux-tu nous raconter ton enfance, tes études et ta vocation ?
Je suis né à Bourg-en-Bresse en 1978, aîné de 3 enfants, aîné, donc pionnier ! Ma famille est une famille de philosophes : père enseignant de philosophie et ma mère a une maîtrise de théologie. La foi y a toujours été un sujet qui, sans « aller de soi », donnait à penser, à réfléchir…

A l’âge de dix ans, ma famille quitte l’Ain pour Villeurbanne. J’entre au lycée du Parc, et je suis marqué par la foi de beaucoup de professeurs dans cet établissement public. Aujourd’hui, je revois encore certains d’entre eux. Puis, après, hypokhâgne et khâgne, je passe en licence, puis maîtrise d’histoire et un DEA pendant le séminaire.

Ma vocation : je pense que c’est une question très ancienne, présente durant toute mon enfance, mais de façon inconsciente… A partir de la seconde, j’en ai pris conscience et en première, ce fut clair et sûr.

Toutes mes études m’ont appris à mémoriser et à travailler dans un temps très court !

Puis je suis entré au séminaire à Lyon. Durant ma formation, j’ai eu une année en stage dans une paroisse, j’ai alors découvert par cette insertion, la joie de la vie paroissiale.

Puis s’est présentée une seconde année spéciale en 2005-2006, à Washington D.C., aux Etats-Unis, pour être en milieu anglophone et avoir tous les documents sur le Cardinal Newman, en vue de la maîtrise en théologie. J’avais un tuteur sur place et j’avais également accès à tous les livres qui m’étaient nécessaires.
Restent quelques passions : la lecture, la littérature, la musique baroque, la cuisine… Jadis, je dessinais beaucoup en cours, je faisais des caricatures !

Diacre en 2006, prêtre en 2007, tu as fait le choix dès ton ordination de porter le « clergyman », pourquoi ?

 

Le clergyman est au prêtre ce qu’est l’alliance aux mariés. C’est le signe simple, clair et repérable de ce à quoi j’ai donné ma vie.

Tous les jours j’en constate l’utilité : on repère que je suis prêtre, cela suscite le questionnement, la discussion, des demandes. Presque tous les jours des conversations s’engagent car je suis reconnaissable. La croix, c’est le point commun de tous les baptisés, le clergyman montre que je suis prêtre.

C’est aussi cohérent avec une certaine simplicité de vie… Comme beaucoup de prêtres de ma génération, je le porte naturellement, de façon dépassionnée : « l’habit ne fait pas le moine, mais il y contribue ! ».

Dans la rue, je n’ai que des réactions positives à cet égard : « A tiens, c’est bien qu’il y est encore des jeunes prêtres ! ». Cela a même été l’occasion d’une discussion très poussée et sincère avec des musulmans très pratiquants, sur l’Eglise et sur la foi…

 

Tu as été nommé vicaire ici : en quoi consiste ce ministère ?

 

Le vicaire, c’est celui qui aide, qui seconde. Être « bébé prêtre », c’est découvrir le ministère en paroisse, en n’étant pas tout de suite aux « manettes », en découvrant la dimension pastorale de façon douce et progressive !

En tant que jeune prêtre, j’ai été dirigé vers la pastorale des jeunes, c’est classique… D’abord les jeunes dans la paroisse, puis à Mongré et au Lycée technique Notre-Dame, ainsi que dans les aumôneries des Lycées et Collèges publics.

Au milieu de tous ces jeunes, je me trouve comme dans un mirador car ils viennent étudier à Villefranche de 35 à 40 communes dans tout le Beaujolais et la Dombes.

Cette mission auprès de ces jeunes représente la majeure partie de mon ministère au quotidien. J’accompagne le MEJ, les scouts d’Europe, les END, les enfants de chœur.

Dans la paroisse, je m’occupe plus spécifiquement des sacrements de l’initiation : baptême, confirmation et catéchuménat.

Sinon, comme mes confrères, j’assure les messes en semaine et le dimanche, les baptêmes, les mariages et les funérailles.

Et puis il y a eu les conférences sur Newman et ponctuellement je suis amené à donner des cours et des conférences à Lyon.

 

Tu as donc eu ici un ministère très varié et très prenant…Quelles découvertes, quelles joies, quelles difficultés ?

 

Citadin que je suis, j’ai découvert la ville où j’aurai aimé habiter ! On dit que le Beaujolais est la Toscane Française, mais c’est plutôt la Toscane qui est le Beaujolais Italien !

J’ai découvert ici une paroisse en or… J’ai découvert les familles ou les parents mettent la priorité pour l’éducation chrétienne de leurs enfants et c’est une source permanente d’émerveillement pour moi…

J’ai découvert la fraternité entre les prêtres : nous sommes différents et complémentaires avec une grande fraternité entre nous.

J’ai découvert l’enseignement catholique : belle découverte car c’est un beau projet ! Je me suis senti chez moi, tant à Mongré qu’au Lycée Notre-Dame. J’espère avoir l’occasion de travailler à nouveau dans ce type d’apostolat.

J’ai découvert le scoutisme, dont je ne connaissais rien. Je suis admiratif devant cette proposition qui rend les jeunes débrouillards et autonomes, et qui leur apporte une vraie structuration dans leur vie de foi.

J’ai enfin découvert la prédication : voilà, depuis que je suis diacre, un élément essentiel dans ma vie. C’est à la fois très dur, très exigeant et très beau. Prêcher la parole de Dieu, c’est aussi se laisser « prêcher » par Dieu !
Tu pars à Rome, mais pourquoi pas en Angleterre, là où fut la vie et le ministère de NEWMAN ?

 

En Angleterre, il n’y a pas d’université catholique, or je prépare un doctorat ‘canonique’ en théologie catholique. J’aurai à Rome un directeur de thèse du nom de Charles Morerod O.P., un Dominicain suisse de 50 ans. Il est théologien et philosophe et travaille les questions touchant à l’unité des Chrétiens. Il y a aussi à Rome une belle bibliothèque spécialisée sur Newman – ce qui ne gâte rien !

Je logerai à Saint Louis des Français dans une communauté de vingt prêtres français : certains sont étudiants, d’autres travaillent au Vatican.

Bref, c’est une belle aventure, mais je quitte le Beaujolais et la Calade, où je me sens chez moi, pour l’étranger et l’inconnu…

 

Tu pars, c’est normal, nous avons tous un peu de tristesse au fond du cœur… et toi aussi… Quel message voudrais-tu nous laisser ?

 

Avant tout, merci de m’avoir accueilli de telle façon que je me sente aujourd’hui Caladois.

Être Prêtre dans une paroisse comme Sainte Anne des Calades aura été une source de bonheur extraordinaire.

Je serai désormais à Rome près du lieu des tombeaux de Pierre, de Paul, de Jean-Paul II et je porterai dans ma prière toute la paroisse de Villefranche, et les intentions spécifiques de chacun.

Dans une paroisse comme la nôtre, je suis persuadé que des jeunes peuvent entendre l’appel du Christ à se donner entièrement à Lui. Vous, leurs parents, n’ayez pas pour eux des ambitions au rabais !

Enfin, n’oubliez pas que Dieu est quelqu’un. Il n’est pas seulement une référence de valeurs, un mythe fondateur, mais il est une personne vivante qui cherche notre amitié.

Entrer en amitié avec LUI est la plus belle chose que je connaisse. Puissiez-vous en faire l’expérience !

Propos recueillis par Martine et Yves Tricou, 25 juin 2011