Le corps

À Noël, Dieu prend chair ; il se fait homme ; il prend notre corps, il fait corps avec l’humanité, pour que l’homme prenne sa divinité.

Du temps du Christ, le corps est l’équivalent de la personne ; c’est ce qui manifeste sa présence, la place qu’elle occupe dans le monde. De nos jours encore, le Père Varillon le rappelle : « mon corps, c’est moi. Quelque chose de lourd et d’opaque, oui ; de limité et de limitatif, oui ; agrégat de matière, oui en un sens. Mais surtout mon corps est un foyer d’énergies » et il ajoute : « l’âme n’est jamais sans le corps, le corps n’est jamais sans l’âme ; l’âme et le corps ne sont jamais sans le monde ». ( Joie de Croire Joie de Vivre Le Centurion 1981)

Et pourtant, dans la Bible on ne nous dit rien ou si peu sur le physique des personnages. Ces nomades du désert étaient-ils « blonds beaux et sentant bon le sable chaud » ? Étaient-ils bruns, tout aussi beaux, et de type sémite ? Si les Écritures n’en parlent pas, c’est que cela ne présente pas d’intérêt : le seul corps en question c’est celui du Christ.

« Vous êtes le corps du Christ » (1° lettre de saint Paul aux Corinthiens, 12,27). Si le corps est la personne, nous qui sommes le corps du Christ, individuellement aussi bien que collectivement, nous sommes associés à sa personne même. Et par conséquent, à son nom, puisque le nom c’est la personne. Si Dieu lui a donné « le nom qui est au-dessus de tout nom » (lettre de saint Paul aux Philippiens 2,9) c’est pour que nous soyons entraînés dans cette Ascension.

Nous sommes le corps du Christ ; poussant la réflexion, Philippe Ferlay dit : « dans l’Eucharistie, vous recevez ce que vous êtes » (Christ Notre Pâque le Centurion 1977)

Cette notion de corps, saint Paul l’utilise fréquemment pour expliquer notre unité individuelle – le corps ne peut être dissocié de l’âme – mais aussi collective, car malgré nos diversités, ou grâce à nos diversités nous sommes tous semblables. Tourné vers son Père qui est aussi le nôtre depuis qu’il nous a appris à dire « Notre Père », le Christ demande : « qu’ils soient un comme nous sommes un » (Évangile de saint Jean 17,1-11).

Le corps : visible, un, semblable à d’autres et pourtant différent ; incapable de vivre sans d’autres corps ; partie visible, expression, démonstration à la fois d’appartenance à un groupe, ethnique ou animal, et d’une personnalité, unique, mais d’une personnalité perpétuellement tirée entre deux forces de vie et de mort, perpétuellement tirée entre deux manières de vivre : « selon la chair ou selon l’esprit », puisque ce corps apparent recèle des pensées, des idées, des sentiments qui eux ne sont pas de l’ordre du visible.

Oui, mais ce corps disparaît, puisque c’est le sort commun, la seule certitude que nous puissions partager : Catherin Bugnard, dit, dans « La Plaisante Sagesse Lyonnaise » que c’est difficile de mourir, mais que « manquablement, chacun finit bien par y arriver ». Saint Paul le dit aussi, (dans un autre registre que Bugnard).

Si notre corps disparaît, il n’en reste pas moins présent ; la préface de la Liturgie des défunts précise : « Pour ceux qui croient en Toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle ne fait que changer ». Combien de transformations notre corps a-t-il connu ? Sans compter les accidents qui ont laissé des traces ; à notre mort nous connaîtrons une nouvelle transformation. Le Cardinal Ratzinger insistait sur cette vérité : « il n’y a pas un autre monde, il y a un monde changé … La frontière ne passe pas entre vie et non vie, mais entre « être avec le Christ » et « être sans (ou contre) Lui. Ainsi, c’est dans le baptême que s’opère le véritable passage ». (La Mort et l’Au-delà Fayard 1977)

Mais le corps, c‘est aussi ce que nous avons marqué par nos actes ; notre vie, nos décisions laissent des traces dans la vie des autres, dans les groupes humains ou nous vivions ; Aristote disait : « l’homme est un animal social » ( Politique). Le Cardinal Ratzinger rappelle cette vérité que nous ne sommes humains qu’en relation et que le but du salut c’est que tous les humains depuis toujours jusqu’à toujours soient rassemblés dans le Christ en un réseau lié au monde, au cosmos dont nous faisons partie, dont notre corps fait partie par chacun de ses atomes.