Le désert

Que faire au désert ? Comme l’eut dit Coluche, il n’y a rien, pas un café, rien.

Rien ? Mais si ! Il y a d’abord celui qui y va : pas de bruit, une odeur très particulière, personne avec qui communiquer. Par conséquent confronté à lui-même faute d’autre sollicitation.

 

Beaucoup d’événements décrits dans la Bible ont eu pour théâtre le désert ; le peuple nomade d’Israël y vivait, errant pendant quarante ans ; le chiffre 40 est dans la Bible signe de l’éternité ou au moins d’une très longue durée. Jésus avant de commencer sa prédication, a séjourné «au désert» quarante jours et quarante nuits (Évangile de Saint Matthieu 4,2.). Ce chiffre 40 se retrouve partout dans la Bible, (le Déluge par exemple) mais aussi hors de la religion : les Académiciens français sont quarante : «ils sont là quarante qui ont de l’esprit comme quatre» (Alexis Piron Oeuvres Complètes).

 

Saint Paul, après sa fulgurante et aveuglante conversion sur la route de Damas, a passé un temps au désert.

 

« Cet appel du désert, tous les affamés d’absolu l’ont entendu, de Bouddha à Jean-Baptiste. Tous y ont obéi, après eux et comme eux, d’Antoine l’Égyptien à Charles de Foucauld. Les moines coptes y ont trouvé la force de résister des siècles durant à tous les assauts de l’Islam ; les Chartreux, celle de conserver intacte la règle de leur fondateur Bruno… « Le désert, pays de la mort, est source de vie spirituelle. » (Paul Dreyfus, Saint Paul, Centurion, 1990)

 

On pourrait allonger la liste citée par Paul Dreyfus, et notamment rappeler que sous Louis XIV, au plus fort des sanglantes persécutions contre les protestants des Cévennes, (les « Dragonnades » menées par les Dragons du maréchal de Villars), les Protestants se rassemblaient la nuit dans la montagne pour célébrer le culte ; c’étaient «les assemblées du désert».

 

Le désert est donc le symbole d’une façon de se protéger du monde, d’entrer en soi-même, non pas pour une contemplation narcissique, nombriliste, mais pour y chercher une vérité, avec Celui qui a dit «Je suis le chemin, la vérité, la vie» (Évangile de saint Jean, 14,1-6). Le désert nous renvoie à nous-mêmes, au plus profond. Le désert, opposé au « monde » : Le Christ rappelle à Pilate : «mon royaume n’est pas de ce monde » (Évangile de Saint Jean 18,36). Le désert serait un de ces lieux où l’on rencontre Dieu.

Mais puisqu’on y est seul, où rencontrer Dieu ? En nous, tout simplement. Dans la solitude habitée par l’Esprit, la prière, le souci de se tourner vers les autres.

 

Le mot désert évoque le vide ; ce vide que nous devons faire dans nos vies, dans nos têtes, pour redonner la première place à Dieu, ce que nous demande le Pape Benoît (Benoît XVI, lumière du monde, Bayard, 2010), et que nous rappelle le frère Pierre-Yves : «Sait-on jamais ce que l’on fait, quand, dans son existence, on prend la première place – celle de Dieu – quand on se croit la mesure de toutes choses et l’arbitre du bien et du mal ?» (Les sept paroles de notre Seigneur sur la croix, Presses de Taizé, 2008).

 

Le mot désert évoque le silence ; et c’est dans ce silence que nous pouvons entendre Dieu, comme nous le dit la Bible au 1° Livre des Rois (19, 11-15). Élie se tient dans une caverne (le mythe de Platon ?), est invité à sortir sur une montagne car «le Seigneur va passer» : «il y eut un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers ; le Seigneur n’était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; le Seigneur n’était pas dans le feu. Et après le feu, le bruissement d’un souffle ténu. Alors, en l’entendant, Élie se voila le visage avec son manteau.»

 

Le désert, pour faire en nous, où que nous soyons, le vide et le silence pour entendre Dieu, qui ne se manifeste pas par de grands tumultes. Silence, vide en soi ; c’est le sens du Carême, qui dure quarante jours, le temps de Jésus au désert.

 

Le désert, où nous nous trouvons pauvres, c’est-à-dire pas encombrés, disponibles, ouverts, et peut-être, selon certains théologiens, «vierges».

 

 

La Bible utilise souvent un langage poétique ou symbolique qui peut nécessiter une explication et parfois un « décodage ».  Chaque mois, dans cette rubrique, un mot sera présenté dans un langage courant, plus accessible à ceux qui ne sont pas familiers de l’Église.

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